«On ne sait rien de toi» de Fabrice Tassel : portrait d’un dominateur

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Dès les premières lignes du roman, la tension s’installe dans des choses minuscules, comme cette fourmi qui apparaît sur le couteau de Charles Perrière, lors d’un déjeuner d’anniversaire. Il n’y a pas de mouvement brusque dans cette vie de famille apparemment paisible, juste un repas partagé et le champagne débouché pour les 50 ans du père. On joue avec les apparences, le silence et les secrets qui vont dominer ce livre puissant, d’une violence indicible.

Charles Perrière est ce qu’on appelle un grand flic, directeur de l’IGPN, la police des polices. Il a choisi cette filière pourtant ingrate car c’est un cartésien, un homme qui place l’ordre et la justice au-dessus de tout. Sa femme et ses enfants semblent du même tonneau, sauf l’aînée, Alexandra, un caractère à vif, mal comprise et mal-aimée par ce père aux idées arrêtées. On serait tenté d’en dire plus, mais déchiffrer les apparences en vient à gâcher la fiction. Les apparences, parlons-en, c’est par ce mot adoré des thrillers qu’il faudrait tirer la ficelle. Mais ici, pas de frisson, plutôt de la demi-teinte pour une affaire de couple qui marche à la baguette, d’enfants qui prennent plus ou moins la tangente, d’entourage qui cherche la vérité. Le vécu d’un homme droit comme un i et qui, ce soir encore, ne dira rien.

Fabrice Tassel réussit avec une infinie délicatesse à camper ses personnages féminins, des héroïnes mutiques tellement bien élevées, semblant tout accepter et pourtant capables d’actions ultimes. Il dose tout au gramme près, les hésitations de l’une, la faiblesse de l’autre, l’assurance de la troisième. Mais Charles Perrière est sa créature la plus réussie. Un homme rongé par ses contradictions qui aligne ses costumes comme il classe ses principes, capable de tout expliquer, sa lâcheté comme ses obsessions. Il «aime l’instant où la proie cède» et confond tout : l’amour et le désir, la domination, l’attachement et le mensonge. Le romancier décrit les mécanismes de l’emprise chez ce personnage incapable d’être heureux mais follement orgueilleux, dominateur. «J’ai toujours fixé les règles», dit Charles pour toute explication.

Il n’y a pas un mot plus haut que l’autre dans cette fiction que Georges Simenon n’aurait pas reniée. Fabrice Tassel joue de toutes les nuances de gris et tient le lecteur en apnée. Il est à la fois précis et sensible, jusqu’à la dernière page, qui ne s’oubliera pas de sitôt et complète superbement le puzzle d’une poignée de vies.

Libération

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