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Le parti-Etat qui gouverne le Mozambique depuis un demi-siècle, le Frelimo, est réputé vorace. Il n’a jamais accepté de partager la moindre miette de pouvoir. Perdre les élections, pour la vieille formation au logiciel marxiste-léniniste, est tout bonnement inconcevable. Dans la tête de ses dirigeants, le scrutin du 9 octobre – 14 millions de Mozambicains étaient appelés aux urnes pour élire leur président et leur Parlement – ne peut aboutir qu’à un seul résultat : le triomphe de leur candidat, Daniel Chapo, en remplaçant du président sortant Filipe Nyusi, et l’obtention d’une majorité écrasante à l’Assemblée de la République. N’en a-t-il toujours pas été ainsi depuis l’indépendance, durement arrachée aux colons portugais par le Front de libération du Mozambique ?
La formation d’opposition historique, la Renamo, qui affronta le Frelimo pendant dix-sept ans au cours d’une terrible guerre civile (1975-1992) qui fit près d’un million de morts avant d’opérer sa mue en parti politique, n’apparaît plus très menaçante. La presse mozambicaine a même fait état de tractations secrètes entre les cadres du Frelimo et Ossufo Momade, le patron de la Renamo, en amont du scrutin, afin d’éviter que celui-ci ne dégénère.
Discours enflammés
Mais cette fois, la contestation est venue d’ailleurs. Le charismatique Venâncio Mondlane, 50 ans, dissident de la Renamo qui s’est présenté à la présidentielle sous l’étiquette Podemos (une formation elle-même issue d’une scission avec le Frelimo), a mené une campagne inattendue et remarquée. Les discours enflammés de cet ancien animateur de radio et de télévision à la coupe afro ont réveillé une partie de la jeunesse mozambicaine, largement écœurée par le verrouillage politique du pays.
Dès le jour du scrutin, Venâncio Mondlane a revendiqué la victoire et dénoncé la triche du parti au pouvoir. Les «bourrages d’urnes» et «la falsification des procès-verbaux de résultats» en faveur du Frelimo ont été massifs, affirme l’Eglise catholique. Les évêques du Mozambique ont dénoncé «une fraude électorale flagrante» dans un communiqué, mardi 22 octobre. Le même jour, la mission d’observation électorale de l’Union européenne a pointé un «net favoritisme pour le parti au pouvoir» et des «altérations injustifiées de résultats des élections au niveau des bureaux de vote et des districts», regrettant que la commission électorale du Mozambique ne publie pas les résultats bureaux de vote par bureaux de vote.
Criblé de balles en plein Maputo
Quinze jours après la date du scrutin, la commission n’a toujours pas annoncé les résultats du vote. Elle a jusqu’au jeudi 24 octobre pour le faire. Mais la tension est telle que le pouvoir semble retarder le moment fatidique. Redoute-t-il une explosion de la contestation ? «Le peuple n’acceptera pas le vol [du scrutin]», a prévenu Venâncio Mondlane, qui se dit prêt à appliquer sa «feuille de route révolutionnaire» pour faire barrage au Frelimo. Partout où le leader de Podemos se déplace depuis deux semaines, la police disperse les rassemblements à coups de grenades lacrymogènes. Plusieurs manifestants ont été blessés.
Le pouvoir mozambicain a montré par le passé qu’il n’hésitera pas un seul instant à réprimer, violemment au besoin, les protestataires. Dans la nuit du 18 au 19 octobre, l’avocat de Venâncio Mondlane, Elvino Dias, qui préparait le recours électoral du candidat devant le Conseil constitutionnel, a été assassiné en plein Maputo en même temps qu’un autre responsable de Podemos, Paulo Guambe. Les deux hommes, qui circulaient en voiture, ont été criblés de balles par des tueurs qui ont disparu dans la nature. «Cela ne fait aucun doute, ce sont les forces spéciales qui ont tué Elvino [Dias] de 25 coups de feu», a dénoncé Venâncio Mondlane trois jours plus tard, balayant la thèse de la police selon laquelle le meurtre serait lié à une affaire de mari jaloux.
«Nous n’avons aucun doute» sur le fait qu’Elvino Dias «a été assassiné en raison de son rôle d’avocat représentant la formation politique Podemos», a également estimé l’Union panafricaine des avocats dans un communiqué. Plusieurs milliers de personnes ont assisté aux obsèques de l’avocat, ce mercredi 23 octobre. La haute silhouette de Venâncio Mondlane, dépassant habituellement de la foule, n’était pas présente dans le cortège funéraire. L’opposant estime que sa tête a été «mise à prix». Il a demandé aux Mozambicains de «paralyser» le pays en appelant à deux journées de grève générale jeudi et vendredi.
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