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Le chagrin est partout. Dans les traits immobiles d’un père concentré pour ne pas pleurer. Dans la discrète étreinte d’une avocate sur le bras de sa cliente pétrifiée par le micro. Dans un silence comme on boit la tasse. Dans un petit calepin vert à spirale dont les phrases serrées trahissent la nuit d’insomnie. Dans cette série de visages enfantins qui jaillissent à l’écran avec leurs bobines joufflues, leurs yeux rigolards, leurs sourires édentés face à des adultes qui ne se reconnaissent plus. Dans les cahiers des journalistes comportant une litanie de «je me souviens». «Je me souviens du bloc opératoire, il faisait froid.» «Je me souviens que je ne voulais pas rester à la clinique.» «Je me souviens de la lumière.» «Je me souviens de la prise de sang à mon arrivée.» «Je me souviens d’un malaise dans l’ascenseur.» «Je me souviens de ses lunettes rondes.» «Je me souviens de son nom écrit en lettres capitales.» Le chagrin semble même avoir déteint sur le sol noir de la cour criminelle du Morbihan, sur les bancs noirs où sont assises des dizaines de robes noires, sur le labrador noir, chien d’assistance judiciaire, qui vient se coucher au pied de la barre. De temps à autre, Joël Le Scouarnec, 74 ans, couronne de cheveux blancs sur crâne dégarni, lunettes fines et ventre proéminent, se lève dans son box.
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