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Le CV d’Arne Astrup est long. Trop. D’abord, le médecin de 69 ans est vice-président du programme sur l’obésité et les sciences nutritionnelles de l’organisation philanthropique la plus riche au monde, la fondation Novo Nordisk, depuis 2020. Mais ce n’est pas tout, rapporte ce vendredi 14 mars le Financial Times. En parallèle, il est aussi conseiller rémunéré auprès du géant agroalimentaire Ferrero. Ce que le chocolatier a confirmé, précisant que le professeur avait «partagé son expertise en nutrition avec Ferrero» et avait «notamment été conférencier invité lors d’un master dans notre université partenaire et lors de formations avec nos employés». Une double casquette qui alerte les experts en santé publique.
Car Arne Astrup a d’autres collaborations à son actif. McDonald’s, Nestlé, McCain Foods… L’homme a conseillé parmi les plus grosses entreprises agroalimentaires au cours de la dernière décennie. Autre paradoxe : depuis 2024, Astrup est également le mentor d’un projet financé par la fondation et mené sur deux ans avec l’université de Copenhague. Celui-ci a pour objectif de retravailler la classification «Nova», qui est une répartition des aliments en fonction de leur degré de transformation.
Carlos Monteiro, nutritionniste brésilien responsable du groupe de recherche à l’origine de «Nova», tire la sonnette d’alarme, cité par le Financial Times : «Le mentor de ce projet […] présente de graves conflits d’intérêts, puisqu’il a été consultant pour plusieurs industries d’aliments ultratransformés.» Le professeur insiste : «Les politiques de santé publique devraient s’appuyer sur des données scientifiques indépendantes, et non pas être façonnées par des entités ayant un intérêt financier dans les maladies liées à l’alimentation.»
La fondation, qui est l’actionnaire majoritaire de Novo Nordisk, l’un des plus grands groupes pharmaceutiques mondiaux, notamment spécialisé dans les traitements pour la perte de poids et le diabète, a de son côté assuré qu’Astrup «travaillait avec Ferrero à titre personnel, et que son travail se faisait sans référence à celui de la fondation». Elle a aussi déclaré que, bien qu’elle finance le projet mené avec l’université de Copenhague, celui-ci est mené par «des chercheurs indépendants» et non pas par la fondation elle-même. «Nous ne voyons pas de conflits d’intérêts», a-t-elle également affirmé.
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L’université de Copenhague n’y voit pas davantage malice, sans réagir aux engagements d’Astrup dans diverses industries agroalimentaires. L’établissement certifie ainsi que les recherches «sont menées conformément à notre code de conduite […] Nous n’avons aucune raison de croire que des violations ont été commises.» Les résultats de ce travail sont très attendus : la classification «Nova» divise les scientifiques, certains estimant qu’elle se focalise trop sur le degré de transformation et pas assez sur la valeur nutritionnelle des aliments.
En février, 90 nutritionnistes et experts en santé publique avaient adressé une lettre ouverte à la fondation, ainsi qu’à l’université, pointant les risques des conflits d’intérêts d’Astrup : «Quand une fondation avec de tels liens financiers finance un projet visant à réviser une classification internationalement reconnue […], cela soulève des questions quant à savoir si l’objectif principal est le progrès scientifique ou l’influence des entreprises.»
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