Prisons de haute sécurité : le Conseil d’Etat peu sévère avec l’amendement de Gérald Darmanin

Prisons de haute sécurité : le Conseil d’Etat peu sévère avec l’amendement de Gérald Darmanin

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Face au débat suscité par son projet de nouvelles «prisons bunkers», Gérald Darmanin avait pris soin de saisir le Conseil d’Etat pour un avis consultatif. Lequel a été rendu, jeudi 13 mars, dans un rapport globalement en faveur de l’amendement gouvernemental, même s’il recommande quelques aménagements. Dans le cadre de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, adoptée en première lecture au Sénat et qui doit être débattue par les députés à partir du 17 mars, le gouvernement a déposé un amendement visant à créer un nouveau régime carcéral, à savoir des «quartiers de lutte contre la criminalité organisée». Récemment adopté en commission des lois de l’Assemblée nationale, cet amendement prévoit un durcissement inédit des conditions de détention, appliquées à une série de détenus jugés «très dangereux», narcotrafiquants et terroristes islamistes.

Concrètement, les fouilles à nu seraient systématisées, les visites au parloir réalisées par hygiaphone, tout contact physique étant prohibé (sauf pour les enfants en visite). En outre, les unités de vie familiale seraient interdites et les communications téléphoniques, largement restreintes, afin de faciliter leur écoute par l’administration. Toute sortie de l’établissement, même pour aller voir le juge, serait impossible. Des conditions s’apparentant à une forme de «torture blanche», selon la Ligue des droits de l’homme.

La saisine du Conseil d’Etat portait sur deux points différents. D’abord, le gouvernement lui demandait d’évaluer «la conformité aux exigences conventionnelles et constitutionnelles» de ses quartiers de lutte contre la criminalité organisée. En d’autres termes : les nouvelles conditions d’isolement ainsi créées violeraient-elles les droits des détenus selon la jurisprudence existante, qu’elle soit nationale ou européenne ? Sur ce point, le Conseil d’Etat estime que «le projet d’amendement en ce que, d’une part, il ne prévoit, pendant quatre ans, aucune autre possibilité d’adaptation et d’individualisation du régime que la fin de celui-ci, et d’autre part, impose des fouilles intégrales systématiques après tout contact non surveillé avec une personne extérieure à l’établissement, n’opère pas une conciliation suffisamment proportionnée entre les droits des personnes détenues, l’objectif de défense de l’ordre public et de prévention des infractions et ne respecte pas, par suite, les exigences constitutionnelles et conventionnelles». La juridiction recommande à cet égard des améliorations rédactionnelles visant à «mieux cibler le champ d’application du régime» et justifier de la «proportionnalité» de telles mesures, pour ainsi parer aux risques d’inconstitutionnalité.

Concernant la surveillance des échanges téléphoniques, le Conseil d’Etat indique qu’elle ne devra pas s’appliquer aux échanges avec l’avocat du détenu. De la même manière, il suggère qu’un dispositif soit étudié pour la transmission de documents entre l’avocat et le détenu sans contact physique, afin d’éviter que chaque rencontre de cet ordre ne soit suivie d’une fouille à nu. En outre, le Conseil d’Etat ne voit pas de problème à la suppression des unités de vie familiale et considère que des parloirs sans contacts physiques ne devraient pas contrevenir au droit existant «dès lors qu’il n’est pas prévu de limiter l’accès aux parloirs ou de restreindre le nombre de permis de visite, ce qui permet ainsi de garantir, dans les limites inhérentes à la détention, le droit de mener une vie familiale normale». Et qu’un aménagement est prévu pour un contact physique entre le détenu et son ou ses enfants.

Surtout, le Conseil d’Etat demande d’envisager de réduire la durée initiale de l’affectation dans ces quartiers. Et considère que la durée «fixée à quatre ans par le projet d’amendement n’est pas proportionnée eu égard aux mesures qu’elle emporte». Il conseille de la réduire à une durée de deux ans, renouvelable.

Dans un second temps, le Conseil avait pour consigne de se prononcer, plus précisément, sur le bien-fondé de la mise en place de procédures de visioconférence entre détenus et juges, souhaitées par le gouvernement afin d’éviter toute sortie de l’établissement pénitentiaire. Là-dessus, le Conseil d’Etat souffle au gouvernement quelques aménagements mineurs, qui ne sauraient mettre en péril la mesure même. Il indique ainsi qu’il ne verrait pas d’obstacle constitutionnel si le champ d’application de cette mesure était restreint aux seules personnes détenues ayant fait l’objet d’une décision d’affectation au sein d’un quartier de lutte contre la criminalité organisée et non, plus globalement, à toute personne se voyant reprocher une infraction relevant du champ de la criminalité organisée, comme le souhaite le gouvernement.

Libération

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