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L’assignation de 85 pages et 300 pièces jointes a été déposée, ce lundi 17 mars au matin, au siège de Carrefour. L’association de défense des consommateurs Foodwatch et Bloom, spécialisée dans la défense des océans, ont annoncé poursuivre Carrefour pour «obliger» l’enseigne à répondre à son devoir de vigilance dans filière thonière, que ce soient pour ses produits de marques distributeurs ou les produits d’autres marques commercialisés dans ses magasins. «Malgré son obligation juridique de vigilance, pour le thon, Carrefour n’interdit pas les méthodes de pêche destructrices dans ses approvisionnements, n’a pas adopté de limite maximale de mercure protectrice de la santé des consommateurs, et l’enseigne est par ailleurs incapable de démontrer que les conserves qu’elle vend sont exemptes d’abus de droits humains, indiquent les deux associations dans un communiqué. Ces manquements sont graves. Carrefour doit agir et nous faisons appel à la justice pour l’y obliger.»
Bloom et Foodwatch font référence à une mesure légale adoptée en 2018 qui obligent les grandes entreprises – plus de 5 000 salariés en France ou au moins 10 000 dans le monde – et dont le siège social est situé dans l’Hexagone, à publier un plan de vigilance. Selon le code de commerce, ce document doit comporter le détail des mesures «de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle […], directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie». Par la même occasion, Bloom et Foodwatch critiquent «un écart criant entre les grands discours de Carrefour et la réalité de ses engagements sur le thon».
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Contactée par Libération, l’enseigne de grande distribution «conteste fermement ces accusations et réaffirme ses engagements en faveur d’une pêche durable». Concernant la transparence, le groupe renvoie à son dernier bilan sur la pêche publié au mois de janvier et rappelle sa décision de suspendre en 2024 ses approvisionnements en thon surpêché de l’océan Indien. Elle concerne les marques distributeurs en France, Belgique, Italie et Espagne. «Cette mesure est la plus ambitieuse que Carrefour ait prise. Il s’agit d’un changement concret de ses pratiques», reconnaît Bloom dans son rapport publié ce jour. Mais l’ONG nuance aussitôt : «Elle reste malheureusement insuffisante, car Carrefour continue de s’approvisionner en thon pêché sur Dispositif de concentration de poisson (DCP), l’engin responsable de la surpêche des thons dans cet océan. Par ailleurs, l’autre espèce commercialisée par Carrefour, la bonite, n’est absolument pas pêchée indépendamment du thon albacore. Les deux espèces sont pêchées en association, donc arrêter de vendre de l’albacore n’implique pas que l’espèce ne soit plus pêchée.»
Carrefour estime de son côté que Bloom «souhaite simplement, sans oser l’écrire explicitement, que Carrefour cesse absolument toute vente de thon dans ses magasins». «Ce n’est pas vrai, répond Pauline Bricault de Bloom. Nous avons demandé des choses très précises pour que les pratiques s’améliorent», notamment une transparence «jusqu’au bout de la chaîne de valeur», le retrait de la vente des boîtes de thon en dessous d’un certain niveau de mercure ainsi que l’arrêt de la pêche sur DCP. Selon la responsable de campagne au sein de l’association de défense des océans, Carrefour pourrait appliquer cette dernière mesure sans réduire son volume de ventes, mais reconnaît que «ces demandes sont ambitieuses» pour changer les pratiques des industriels. L’enseigne, septième distributeur le plus puissant au monde, «a le pouvoir de tirer vers le haut tout le secteur en France et à l’international, en adoptant des politiques ambitieuses», estime Bloom. Une date d’audience dans le cadre de la procédure lancée par les deux associations est prévue le 15 mai.
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