Le fossé diplomatique se creuse un peu plus entre Paris et Alger. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a promis une “réponse graduée”, alors que son homologue algérien a opposé, lundi 17 mars, une fin de non-recevoir à la liste d’Algériens expulsables fournie par Paris ces derniers jours, réitérant son “rejet catégorique des menaces, velléités d’intimidation, injonctions et ultimatums” venant de France. “Les autorités algériennes ont décidé de ne pas donner suite à la liste soumise par les autorités françaises” et les ont “invitées à suivre le canal d’usage (pour une telle procédure, ndlr) en l’occurrence celui établi entre les préfectures et les consulats”, résume un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Qu’est-ce que cette liste ?
La France avait établi une première liste d’une soixantaine de noms d’Algériens à expulser, qui avait été remise vendredi 14 mars au chargé d’affaires de l’ambassade d’Algérie en France. En annonçant la constitution de cette liste, le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau avait évoqué des “profils de type ‘troubles à l’ordre public’, sortant de prison ou avec des profils dangereux”. Tout en ajoutant : “Bien sûr, ils n’ont pas tous la même dangerosité.”
“Ma mission”, plaidait le ministre début mars, “elle est de protéger les Français et je ne veux pas que ce qui s’est produit à Mulhouse se reproduise demain […] A Mulhouse, un terroriste a tué un homme qui était un ressortissant portugais. Il aurait dû être en Algérie. Nous l’avions présenté à de multiples reprises aux Algériens qui l’avaient refusé”, poursuivait-il alors, jugeant que la réaction de l’Algérie à cette liste serait “l’épreuve de vérité”.
Pourquoi l’Algérie a-t-elle dit non à Paris ?
En rejetant cette liste, l’Algérie a dit n’être “animée que par le souci de s’acquitter de son devoir de protection consulaire à l’égard de ses ressortissants”, selon le communiqué. Il est important, pour Alger, de “veiller au respect des droits des personnes faisant l’objet de mesures d’éloignement”. “Sur la forme”, Alger a estimé que Paris “ne pouvait pas unilatéralement et à sa seule discrétion remettre en cause le canal traditionnel de traitement des dossiers d’éloignement”, celui qui relie chaque préfecture française au consulat algérien de sa zone. “Sur le fond”, l’Algérie a rappelé l’existence d’accords bilatéraux de 1974 et 1994 qui restent “le cadre de référence principal en matière consulaire entre les deux pays”.
Dans quel contexte survient cette nouvelle passe d’armes ?
Les relations entre la France et l’Algérie ne cessent de se dégrader depuis la reconnaissance en juillet dernier par le président Emmanuel Macron d’un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine proposé par Rabat pour le Sahara occidental, territoire au statut non défini selon l’ONU. Le refus de l’Algérie d’accepter plusieurs ressortissants sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), dont l’auteur de l’attentat à Mulhouse le 22 février, a aggravé la situation.
Bruno Retailleau multiplie les propos virulents contre Alger, notamment depuis l’incarcération mi-novembre de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, poursuivi pour des déclarations faites en France à un média d’extrême droite et considérées comme portant atteinte à l’intégrité du territoire algérien.
Quelles sont les options de la France après le refus algérien ?
Après ce camouflet algérien, Bruno Retailleau a promis lundi soir une “réponse graduée”, en disant “regretter que l’Algérie refuse d’appliquer le droit international”. Réduire les visas de travail pour les travailleurs algériens pourrait faire partie des “réponses graduées” décidées par le gouvernement, a indiqué la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, ce mardi sur RTL. “La première piste, c’est de regarder le traité de 2007 sur les visas pour ceux qui détiennent des passeports diplomatiques et qui viennent régulièrement en France”, a-t-elle précisé. “Le traité de 1968 montre que l’Algérie bénéficie aujourd’hui d’exonérations exceptionnelles qui pouvaient se justifier quelques années après les accords d’Evian mais qui ne se justifient plus aujourd’hui”, a-t-elle ajouté.
Invité sur TF1 mardi matin, le ministre de la Justice Gérald Darmanin a ajouté que l’Algérie devait “entendre la volonté de la France” et reprendre ses ressortissants, “notamment dangereux”. Se disant “tout à fait favorable à la riposte graduée” évoquée par Bruno Retailleau, il a plaidé pour le rappel de l’ambassadeur français en Algérie et à la “fin des visas diplomatiques“. “Il faut mettre fin à cela. Il n’y a pas de raison que la France continue d’être généreuse avec ce pays”, a ajouté le garde des Sceaux.
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