La nouvelle vient rétrécir encore un peu plus l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), frappée par une vague de départs. Dans un nouvel acte de rupture avec l’ancien colonisateur français, le Mali, pays aux 3,7 millions de francophones dirigé par une junte, a annoncé mardi 18 mars son retrait de l’OIF. La veille, ses voisins nigérien et burkinabé avaient déjà annoncé leur départ de cette organisation comptant désormais 90 membres, qui se donne pour mission de promouvoir la “langue française et la diversité culturelle et linguistique”, “la paix, la démocratie et les droits de l’homme”, ou encore “d’appuyer l’éducation”.
Suspendus de l’OIF après des putschs
Pourquoi la Francophonie est-elle soudainement désertée ? “Le Mali ne peut demeurer membre d’une organisation aux agissements incompatibles avec les principes constitutionnels fondés sur la souveraineté de l’Etat” a expliqué dans une lettre le ministère des Affaires étrangères malien. Comme le Niger et le Burkina Faso, alliés de Bamako au sein de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), le pays fait partie des premiers membres de l’OIF, créée à Niamey en 1970.
Les trois pays, dirigés par des régimes militaires ayant rompu avec l’ancien allié français au nom du souverainisme, avaient été suspendus de l’OIF à la suite de putschs. Le Mali avait été suspendu en août 2020, après un coup d’Etat militaire qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, à la tête depuis 2013 de ce pays sahélien plongé depuis des années dans une crise sécuritaire, politique et économique. L’OIF avait alors appelé à la libération du président Keïta, “ainsi qu’à la mise en place, dans les meilleurs délais, d’un gouvernement de transition conduit par une autorité civile”. Après avoir rompu avec la France et plus globalement avec ses alliés européens, le Mali avait progressivement opéré un rapprochement militaire et politique vers Moscou.
Idem pour le Niger, qui avait été suspendu de l’organisation quelques mois après le coup d’Etat qui avait renversé en juillet 2023 le président élu Mohamed Bazoum. L’OIF avait alors exigé un retour rapide à l’ordre constitutionnel et la libération de Mohamed Bazoum, séquestré depuis le coup avec son épouse dans le palais présidentiel. Le Burkina Faso, lui, avait été suspendu dès janvier 2022, à la suite d’un coup d’État militaire qui avait renversé le gouvernement démocratiquement élu.
Effacer les traces du colonisateur français
Pour les pays membres de l’AES, qui se sont exprimés dans un communiqué conjoint, l’OIF “au lieu d’accompagner ces pays dans la réalisation des objectifs légitimes de leurs peuples, s’est illustrée par l’application sélective de sanctions sur la base de considérations géopolitiques et le mépris pour leur souveraineté”. Elle est ainsi devenue “un instrument politique téléguidé”, dit le texte.
Ces dernières années, le Mali, mais aussi le Niger et le Burkina Faso ont commencé à rebaptiser des rues et monuments évoquant des figures et des lieux de l’ancien pouvoir colonial français. À Niamey, la place de la Francophonie a notamment été renommée “place de l’Alliance des Etats du Sahel”. Au Mali, où le français était depuis l’indépendance l’unique langue officielle, cette dernière a été rétrogradée au rang de “langue de travail” en 2023 (comme c’est déjà le cas chez ses deux voisins), les multiples langues traditionnelles parlées dans le pays devenant toutes langues officielles.
Le trio de pays s’était aussi retiré en janvier 2024 de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), organisation jugée inféodée à la France. La Francophonie quant à elle considère “peut-être être un dommage collatéral d’une situation géopolitique qui la dépasse”, comme elle l’avait déclaré dès le départ du Niger.
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