Guerre civile au Soudan : «Les paramilitaires ont bastonné le personnel et pillé l’hôpital de Tamboul»

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Témoignage

Guerre civile au Soudandossier

Un médecin de la ville située dans l’est de l’Etat de la Jézira raconte l’attaque menée par le 20 octobre par les Forces de soutien rapide, en guerre contre l’armée régulière, et les exactions visant les civils qui ont duré plusieurs jours.

La guerre civile soudanaise a connu un nouvel épisode sanglant, à partir du 20 octobre, lorsque les Forces de soutien rapide du général Hemetti ont lancé un assaut sur des villes et villages de la Jézira, Etat agricole situé au sud de la capitale, Khartoum. L’attaque des Forces de soutien rapide (RSF, selon leur acronyme en anglais) a débuté à Tamboul, une ville pourtant passée sous leur contrôle l’an dernier. Les paramilitaires y ont délibérément tué des civils pour se venger de la défection d’un influent commandant, Abu Aqlah Keikel, qui a tourné le dos aux RSF et s’est rendu à l’armée régulière, selon l’un des soignants de l’hôpital de Tamboul. Ce jeune médecin a été le témoin direct des exactions commises par les paramilitaires, jusque dans les couloirs de son établissement. Pour préserver sa sécurité, Libération ne publiera pas son nom. Il a fui Tamboul et témoigne ce jeudi 31 octobre depuis une ville sûre, dans l’est du Soudan.

Quelle était la situation à Tamboul, sous domination des Forces de soutien rapide ?

J’ai rejoint la ville de Tamboul, dont je suis originaire, après l’éclatement de la guerre à Khartoum [le 15 avril 2023] où je travaillais comme interne en chirurgie. Quelques mois plus tard, l’Etat de la Jézira est passé sous le contrôle des RSF. Beaucoup de soignants ont alors quitté la région pour mettre en sécurité leur famille, parce qu’ils se sentaient en danger à l’hôpital, surtout les femmes. Les RSF venaient s’y faire soigner et donnaient des ordres dans l’établissement. Dans mon service, nous n’étions plus que deux, alors que quatorze personnes y travaillaient en temps normal. Nous manquions de médicaments et de matériel médical de base. La vie à Tamboul a changé, elle est devenue plus difficile. D’abord, nos journées ont raccourci. Car le soir, pour un civil, n’importe quelle activité qui implique un déplacement à l’extérieur de chez soi était devenue dangereuse. Après le coucher du soleil, des choses terribles peuvent survenir quand on croise les RSF : des violences physiques, des pillages, du racket, des kidnappings, et même des meurtres.

Que s’est-il passé le 20 octobre ?

Vers une heure de l’après-midi, des soldats de l’armée régulière sont arrivés à Tamboul. C’était une surprise car la ligne de front est à cinq heures de route de là. Ils étaient peu nombreux et ne sont pas restés très longtemps, quelques heures tout au plus. Les RSF ont appelé des renforts pour les prendre en chasse. Dans le même temps, les paramilitaires ont attaqué la ville, ils sont entrés dans le marché, dans les magasins, dans les maisons, et jusque dans l’hôpital. Ils ont volé tout l’or, l’argent et les téléphones portables qu’ils trouvaient, ils ont tué ceux qui s’étaient armés pour se défendre. Ils ont commencé par attaquer Tamboul, puis le lendemain, ils ont continué dans des dizaines de villages alentour.

Ou étiez-vous ?

Au bloc opératoire, en train de soigner des civils blessés par balles ! Les RSF ont attaqué l’hôpital, ils ont volé l’argent et les téléphones du personnel, des patients et de leurs familles. Ils ont même essayé de pénétrer dans la salle d’opération alors que nous étions en train de traiter des blessés, mais heureusement, nous avons pu verrouiller la porte. Ils voulaient nous voler, et surtout nous empêcher de soigner les gens, car ils les accusent de soutenir le commandant Abu Aqlah Keikel [qui a fait défection des RSF] et l’armée régulière. Simplement par amalgame ethnique, car beaucoup d’habitants de Tamboul sont du même clan que Keikel. Ils se vengent sur la population civile. Très peu de blessés ont pu rejoindre l’hôpital car les RSF, postés à l’entrée de l’établissement, les en empêchaient. Nous avons soigné cinq blessures par balles seulement, mais des centaines de personnes ont été touchées. On parle de près de 300 civils tués à Tamboul et dans les environs. Sans parler des disparus, très nombreux, dont on ne sait toujours pas s’ils sont morts ou vivants.

Quand et comment avez-vous quitté la ville ?

Les RSF ont bastonné le personnel et entièrement pillé l’hôpital. Le seul établissement de santé dans l’est de la Jézira s’est effondré en un jour. C’est une catastrophe. Je suis parti le 24 octobre, alors que l’attaque des RSF était toujours en cours. Les paramilitaires braquaient tout le monde, même les femmes et les enfants. J’ai été moi-même forcé, sous la menace des armes, à ouvrir un garage privé, dans un quartier résidentiel, pour qu’ils le pillent. Quand je suis parti, des corps étaient encore étendus dans les rues de la ville, car il n’y avait plus personne pour les ramasser. J’ai vu trois cadavres de mes propres yeux. Tamboul s’est en partie vidé. Après plusieurs tentatives, nous avons marché vers l’Est, avec ma famille, pendant près de 30 kilomètres, avant de trouver des véhicules pour nous emmener en sécurité.

Libération

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