Procès de la rue d’Aubagne : une chaîne d’irresponsabilités

Procès de la rue d’Aubagne : une chaîne d’irresponsabilités

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L’édito de Stéphanie Aubert

Crise du logementdossier

Le drame du 5 novembre 2018 est avant tout la conséquence d’alertes restées lettres mortes et d’inaction patente. Alors que le traumatisme des effondrements reste très présent, Marseille attend désormais que soient établies les responsabilités pénales et morales de la catastrophe.

S’il est rare que l’action politique puisse déplacer rapidement des montagnes, l’inaction, elle, peut faire s’effondrer des immeubles en quelques minutes, ensevelissant sous les décombres les gens qui y vivent. Mourir d’être chez soi : un matin de novembre 2018, huit personnes en ont été victimes, rue d’Aubagne à Marseille. Six ans plus tard, pratiquement jour pour jour, s’ouvre enfin le procès qui devra déterminer les responsabilités pénales dans ce que la justice a désigné par les termes «d’homicides involontaires». La faute «à la pluie» avait tenté de plaider devant une opinion publique abasourdie le maire de l’époque, Jean-Claude Gaudin, qui se dira – tardivement – «hanté» par le drame.

Mort depuis, il ne sera pas témoin à l’audience qui commence ce jeudi 7 novembre et déroulera la succession d’alertes restées lettres mortes et d’expertises aussi hasardeuses que faussement rassurantes jusqu’au drame. Mais si les multiples parties civiles attendent des réponses, précises et pénales, ce qui se joue au procès de la rue d’Aubagne dépasse largement le cas isolé de trois immeubles mal entretenus. Il ciblera et symbolisera tout ce qui fabrique du mal-logement à Marseille – et ailleurs – dans les quartiers dits populaires : marchands de sommeil, propriétaires négligents, syndics défaillants et politiques indifférents.

Pourtant, même si on est encore loin du compte, la catastrophe et l’enquête sur la chaîne des responsabilités – ou plutôt d’irresponsabilités – ont déjà fait changer la ville. L’onde de choc a sans nul doute touché la municipalité, qui a vu vingt-cinq ans de règne de la droite s’achever en 2020, au profit d’une mairie de gauche. Une société publique locale d’aménagement d’intérêt national pilote désormais la réhabilitation du centre-ville. Côté justice, les marchands de sommeil sont poursuivis et certains condamnés à de la prison ferme. Les collectifs constitués au lendemain du drame, toujours très actifs, contribuent à perpétuer la mémoire des habitants morts le 5 novembre et à lutter contre le mal-logement endémique. Pour qu’au-delà des responsabilités pénales qui seront examinées dans l’enceinte judiciaire, les responsabilités morales de l’habitat indigne soient, elles, clairement établies. A tous les étages.

Libération

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