Procès Pierre Palmade : après l’emballement, le cirque médiatique s’installe au tribunal de Melun

Procès Pierre Palmade : après l’emballement, le cirque médiatique s’installe au tribunal de Melun

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Procès de Pierre Palmadedossier

Une centaine de journalistes sont attendus au tribunal correctionnel de Seine-et-Marne, ce mercredi 20 novembre, pour assister au procès de l’humoriste. Retour sur un emballement médiatique, qui questionne les limites du métier de journaliste.

Ce sera donc hachis parmentier. Au Bistrot du palais, en face du tribunal de Melun (Seine-et-Marne), Nesrine annonce le plat du jour. Chaque midi, elle dresse entre 30 et 80 couverts. Pour rassasier les journalistes et avocats qui passeront la porte, ce mercredi 20 novembre, jour du procès de Pierre Palmade, elle pense faire un peu plus. Comme quoi : quelle que soit votre place dans la hiérarchie judiciaire, policière ou médiatique, vous pourrez tout à fait vous retrouver à manger un hachis parmentier voûté vers l’avant pour ne pas salir vos vêtements, pendant une pause du procès de Pierre Palmade. Ce qui est à la fois étrangement réconfortant et tout à fait déprimant. «Ah oui merde !» lâche son acolyte en cuisine, quand elle lui rappelle l’événement, faussement inquiet. Tout est sous contrôle. «A midi, faudra être prêt.» Et il va falloir envoyer du hachis parmentier.

Le cirque médiatique s’apprête à s’installer à Melun. Les employés du tribunal se souhaitent de bien dormir. «C’est énorme, répète une employée au sujet du nombre d’accréditations demandées. Enorme !» Une centaine de journalistes sont attendus pour le dénouement d’un feuilleton qui a fasciné une partie du pays, déchaîné aussi les passions tristes, ouvert une boîte aux fantasmes les plus sordides, les rumeurs, les fake news. Le procès marque, aussi, la fin d’une affaire où tout se mélange – drame routier, toxicomanie, intimité – et qui questionne les limites du métier de journaliste. «Tout est délicat, tout s’entremêle, resitue Joëlle Meskens, qui couvre le procès pour le quotidien belge le Soir. En termes de couverture journalistique, c’est un chemin de crête.»

Approximations, erreurs et rectificatifs

Les premiers temps, c’est l’emballement. La petite ville de Cély-en-Bière, lieu de la résidence secondaire de Palmade en Seine-et-Marne, se transforme en gouffre aux chimères. Les chiffres donnent le tournis : 29 905 citations liées à ce fait divers au mois de février 2023, selon les données récoltées pour Libération par la plateforme de veille média Tagaday. Cela donne 1 573 articles par jour depuis l’accident, le quart de la couverture de la guerre en Ukraine sur la même période. Les audiences du site du Parisien ont ainsi été multipliées par deux, pour un total de 25 millions de visites uniquement pour les articles relatifs à l’affaire Palmade dans ses premiers jours. Mi-février 2023, le site Arrêt sur images publie un article qui recense les approximations, les erreurs, les rectificatifs. Pluie de témoignages à la télé. Pertinent ou pas ? Peu importe, on verra plus tard. Ce n’était que le début. Dans la presse people, les raccourcis pleuvent entre drame routier, toxicomanie et sexualité. Le Figaro titre : «Sexe, cocaïne : la descente aux enfers de Pierre Palmade, rattrapé par ses démons».

Les premières rumeurs – sur le téléphone disparu, sur le permis de conduire de Pierre Palmade – en appellent d’autres, de plus en plus folles. Le 17 février, un homme prévient la police : Pierre Palmade aurait des penchants pédocriminels, mais aucun contenu de ce type ne sera découvert lors des perquisitions. Pire, sur le plateau de Touche pas à mon poste, un chroniqueur pose la question : aux soirées de l’artiste, y avait-il des personnalités politiques ? Pire encore, toujours sur TPMP, un homme présenté comme «l’ex-dealer de tout Paris» est invité à réagir sur l’affaire et relaie des idées conspirationnistes sur une drogue issue du «sang d’enfants». L’Arcom condamnera C8 à 500 000 euros d’amende.

«Le choc, c’est la découverte»

Chacun son discernement, chacun ses règles de conduite. «La limite, c’est de ne pas porter de jugement moral sur l’intimité, dit Joëlle Meskens, du Soir. Il y a eu une utilisation malsaine de sa sexualité.» Pour elle, le drame résonne avec nos préoccupations collectives. «C’est une histoire qui a créé un choc dans la société, ce n’est pas simplement une affaire de people sur laquelle on fait du clic, tient-elle à souligner. Le choc, c’est la découverte, derrière cette personnalité qui fait partie de notre univers proche, de ce profil de cocaïnomane esclave de ses addictions. Le choc, c’est la sévérité de l’addiction et jusqu’où on peut en arriver à penser qu’on est en état de conduire. C’est un choc qui doit être dit par des campagnes de prévention.» Pour elle, couvrir le procès de Pierre Palmade a quelque chose de personnel. Il y a une semaine, sa sœur cocaïnomane est décédée «après cinq ans de descente aux enfers». «Aujourd’hui, en termes de prévention, on est inexistant», résume-t-elle simplement. Ce mercredi 20 novembre, à 6 heures, elle prendra la voiture direction Melun.

Au Bistrot du palais, tout est prêt. Et si Palmade vient déjeuner ? Hop, Nesrine invite à traverser la cuisine, ouvre une porte et dévoile une petite salle à l’arrière, au cas où. Avant l’accident, elle aimait bien l’humoriste. «C’est tragique, dit-elle simplement. C’est dommage ce qui lui arrive.» Un temps. «C’est dommage tout court.» Dehors, il fait déjà nuit ce mardi soir, il pleut des cordes et c’est un temps à glisser sur des feuilles mortes. Une maigre consolation : pour le dessert, elle servira de la crème brûlée.

Libération

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