Partage de transport sanitaire : le projet de décret prévoit 45 minutes d’attente maximum, le reste du texte inchangé

Partage de transport sanitaire : le projet de décret prévoit 45 minutes d’attente maximum, le reste du texte inchangé

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Inquiétudes

La nouvelle version du texte, consultée par «Libération», précise désormais le délai d’attente sur le lieu de soins. Aucune distinction n’est faite pour exempter automatiquement les patients les plus fragiles et leur permettre de refuser de partager leur transport sans incidence.

Les inquiétudes des associations n’auront pas changé grand-chose. Pour rejoindre ou repartir de l’hôpital, les patients vont devoir partager leur ambulance, taxi ou transport sanitaire léger : le principe avait d’ores et déjà été voté l’année dernière dans le budget de la Sécu 2024, il ne manque plus que soit signé le décret pour qu’il soit appliqué. Mais le sujet étant sensible, les modalités devaient être précisées : une première version a été dévoilée dans la presse en mai dernier. Elle prévoyait notamment un détour de 10 kilomètres possible par passager (30 maximum) et ne différenciait ni les patients les plus fragiles, ni les personnes immunodéprimées. Inquiétudes et colères de la part des concernés et leurs représentants. La nouvelle version présentée par le ministère, révélée par Franceinfo et que Libération s’est procurée, ne change aucun de ces points. La seule modification se trouve dans le temps que devront attendre les patients sur leur lieu de soins : le «délai raisonnable» a été modifié en «quarante-cinq minutes maximum au total».

«On met en danger la vie de ces patients», s’indigne Bruno Lamothe, de Renaloo, association qui défend les droits de malades du rein. Car malgré les inquiétudes formulées par les représentants de patients il y a quelques mois, il ne peut que constater que la copie a été révisée à la marge. «Aucune association n’a été concertée», malgré les déclarations du ministre en ce sens, déplore-t-il. Ainsi le texte ne donne aucune exemption automatique pour les patients les plus fragiles, comme les personnes immunodéprimées – quand bien même le ministre délégué à la Santé de l’époque, Frédéric Valletoux, avait certifié qu’ils ne seraient pas concernés. Il ne fait pas non plus mention de précautions particulières qui seraient prises pour limiter les risques, comme l’obligation de port du masque et des gestes barrières. «Mettre trois personnes dans un taxi, collées les unes aux autres, c’est un risque de transmission de maladies», continue le responsable.

Avance de frais

Pour justifier la généralisation de cette mesure, le gouvernement a fait valoir que «les transports partagés ont permis de réduire de 34 millions d’euros les dépenses de l’Assurance maladie» sur l’année 2022, tout en «améliorant la réponse aux besoins de transports en permettant, de fait, une augmentation de l’offre à nombre de véhicules constants.» Dans les faits, certains patients se voient déjà proposer de partager un transport sanitaire. Mais ils peuvent en théorie le refuser sans que cela n’affecte la prise en charge du trajet par la Sécu. Avec ce décret, ce ne sera plus le cas : celui ou celle qui refusera le partage ne pourrait notamment plus bénéficier du tiers payant, devrait donc avancer les frais et serait moins remboursé. Pour obtenir un transport individuel remboursé, leur médecin devra spécifier sur l’ordonnance que l’état de leur patient est incompatible avec un transport partagé.

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Le temps d’attente est un autre point de préoccupation. Certes, la nouvelle version du texte est un peu plus claire en précisant que les concernés devraient patienter au plus trois quart d’heure avant de rentrer dans leur taxi. Un temps d’attente qui s’écoule souvent dans les couloirs ou le parking de l’hôpital, potentiellement inconfortable selon l’état de santé du patient, qui s’ajoute à celui passé dans le transport sanitaire, qui sera de fait rallongé. Ce que reconnait le projet de loi, puisqu’il limite les détours à un maximum de dix kilomètres par patient, sans mentionner une durée maximale. Or un kilomètre ne correspond pas vraiment à la même durée s’il est passé dans les embouteillages de la région parisienne ou sur une départementale de campagne, fait-on remarquer chez Renaloo. «Tout ceci risque de rallonger le temps de trajet de manière considérable, fait valoir Bruno Lamothe. Pour la dialyse, par exemple, le traitement dure plus de quatre heures. Si on vous rajoute quarante-cinq minutes d’attente, en plus d’un trajet rallongé avec des détours, ça signifie que votre journée est consacrée au traitement. Et pour les personnes dialysées, c’est trois fois par semaine.»

D’autant que cette nouvelle mesure s’inscrit dans un paysage des transports sanitaires déjà largement dégradé. Les représentants des transports sanitaires eux-mêmes dénoncent la faiblesse de leurs moyens et reconnaissent des délais d’attente rallongés. Les patients en sont déjà affectés. «Certaines personnes nous rapportent attendre déjà plus d’1h30 sur un parking le temps que leur taxi arrive, d’autres n’en trouvent plus et doivent revenir en bus ou en métro, avec les risques que ça comporte, soupire Bruno Lamothe. Alors bien sûr, ce projet de décret les inquiète et les met en colère.»

Contacté par Libération, le ministère de la Santé n’a pour le moment pas donné suite. Avant qu’il ne soit signé, le projet de décret devrait être présenté en décembre devant une commission de la Caisse nationale d’assurance maladie, puis le conseil de l’union nationale des caisses d’assurance maladie.

Libération

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