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La filière professionnelle, injustement dépréciée, se dessine comme un levier stratégique indispensable, affirme Dylan Ayissi, délégué général d’Une voie pour tous.
Quel est le lien entre l’industrie et l’école ? Leur avenir, en commun. Face à la transition industrielle et les épreuves qui se dressent devant nous, le lycée pro, pourtant dernier de la classe dans la considération éducative, pourrait bien être un des éléments indispensables.
Il y a quatre ans, la crise sanitaire a agi comme un révélateur de nos vulnérabilités. Elle a mis en lumière une dépendance excessive à des chaînes de production mondialisées et parfois fragiles, relançant le débat sur la souveraineté industrielle. Les différentes pénuries ont éveillé une prise de conscience intérieure : il est devenu urgent de se donner les moyens d’un réarmement industriel, durable et fort. Mais cette ambition ne peut se concrétiser sans une transformation profonde de la formation et de l’emploi pour ce secteur. Au cœur de cette transformation, la voie professionnelle se dessine comme un levier stratégique indispensable.
Aujourd’hui, la voie professionnelle souffre toujours d’une image injustement dépréciée, près de quarante ans après sa création. Souvent perçue comme une voie de garage, elle est l’image de l’échec de l’école française à répondre de sa promesse d’équité, de justice et de mobilité sociale. Encore aujourd’hui, un enfant issu de milieu défavorisé a 93 % de chances en plus de se retrouver orienté vers la voie professionnelle. En outre, plus de la moitié des anciens et actuels élèves en lycée pro déclarent que, s’ils en avaient la possibilité, ils changeraient de parcours académique. Un gâchis humain, financier et social.
Offrir un horizon différent
Pourtant, le président de la République a souligné l’importance de faire de cette voie «un chemin d’excellence». Des mots et des initiatives qui témoignent d’une volonté affichée mais qui détonnent avec une réalité du quotidien, où l’orientation peut être le simple fruit d’une gestion de flux, où l’on va placer tels élèves en fonction des places restantes, dans des filières extrêmement précises et assignantes lorsqu’elles ne sont pas choisies.
Le défi est définitivement culturel : il faut, d’une part, déconstruire l’idée que cette voie est exclusivement destinée aux jeunes rencontrant des difficultés scolaires et sociales et, d’autre part, questionner la place de l’épanouissement et du choix dans l’école, et par conséquent dans le travail. Et c’est précisément à cet endroit que la jonction se fait avec la transformation industrielle.
Dans l’imaginaire commun, les métiers de l’industrie résonnent encore avec les films de Chaplin. Chaînes de travail, labeur, faibles salaires.Il est pourtant évident que le spectre des carrières envisageables dans ce vaste mot d’industrie offre, ou plutôt, devrait offrir un horizon différent. L’industrie française fait face à une crise profonde du recrutement et de l’emploi, à l’instar des récents plans sociaux, qui tendent à se multiplier. Or, des entreprises peinent à pourvoir des postes essentiels, notamment dans des secteurs clés comme l’aéronautique, l’énergie, la métallurgie ou encore la production agroalimentaire. A cela s’ajoutent les nouveaux besoins liés à la transition écologique, qui exigent des compétences spécifiques, par exemple dans les énergies renouvelables, la maintenance de technologies vertes ou le développement de matériaux innovants.
Des carrières porteuses de sens
Les jeunes générations, par ailleurs, interrogent comme jamais auparavant. le sens du travail. Elles recherchent des emplois qui correspondent à leurs aspirations. Ce besoin de sens ne doit pas être vu comme un obstacle, mais bien comme une opportunité. L’industrie, loin des clichés d’antan, peut offrir des carrières porteuses de sens : contribuer à un avenir meilleur, innover pour un monde plus durable, et non plus travailler pour attendre et atteindre la retraite. L’épanouissement n’a plus le temps d’attendre.
Faire de la voie professionnelle un levier de la transition industrielle dépasse les enjeux éducatifs ou économiques : c’est un projet de société. Il ne s’agit pas seulement de répondre à des besoins immédiats, mais bien de construire une souveraineté industrielle durable, où les aspirations individuelles et les ambitions collectives se rencontrent. Investir dans la voie professionnelle et les secteurs industriels, c’est tracer un chemin vers une société plus résiliente et plus équitable.
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