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Diplomatie
Washington avait déjà refusé de reconnaître la réélection de Nicolás Maduro en juillet, la jugeant frauduleuse. Aucun autre pays n’a pour l’instant imité la surprenante décision prise mardi 19 novembre, à deux mois de l’arrivée d’une nouvelle administration à la Maison Blanche.
Le gouvernement américain a mis près de quatre mois à reconnaître comme «président élu» du Venezuela Edmundo González Urrutia, suite logique du refus de Washington de valider la réélection du socialiste Nicolás Maduro après le scrutin du 28 juillet. Le sortant s’était empressé de proclamer sa victoire sans produire le moindre procès-verbal de dépouillement des bulletins, prétextant un piratage du site de l’autorité électorale. Mais l’opposition avait publié des copies de 80% de ces documents, avec pour résultat une victoire de son candidat avec 70% des suffrages.
«Le peuple vénézuélien s’est exprimé de manière retentissante le 28 juillet et a fait de [González Urrutia] le président élu», a annoncé mardi 19 novembre le patron de la diplomatie américaine, Antony Blinken. «La démocratie exige le respect de la volonté des électeurs», a-t-il ajouté depuis Rio de Janeiro où il a participé au sommet du G20 aux côtés du président Biden.
A Madrid, où il vit en exil depuis septembre, après qu’un mandat d’arrêt a été lancé contre lui, González Urrutia, ancien diplomate de 75 ans, s’est réjoui. «Nous sommes profondément sensibles à la reconnaissance de la volonté souveraine de tous les Vénézuéliens, a-t-il exprimé. Ce geste honore le désir de changement de notre peuple et le geste civique que nous avons accompli ensemble le 28 juillet.»
La cheffe de l’opposition, dans la clandestinité
Après de nombreux rebondissements, l’opposition réunie dans la Plateforme unitaire démocratique (PUD) avait pu présenter un candidat au scrutin après l’invalidation de la charismatique (et ultralibérale) María Corina Machado. La cheffe de l’opposition, elle aussi visée par des poursuites judiciaires, est toujours au Venezuela mais vit dans la clandestinité. Elle a salué la victoire de Donald Trump, ainsi que la nomination du futur secrétaire d’Etat, le Cubano-Américain Marco Rubio, partisan de la ligne dure avec les régimes communistes de la région (Cuba, Nicaragua, Venezuela). C’est en outre le premier Hispanique à occuper ce poste.
Le moment choisi pour adouber González Urrutia, à deux mois de la prestation de serment du nouveau président américain, peut surprendre. Joe Biden a d’abord reconduit un train de sanctions contre le régime bolivarien, par le gel des avoirs bancaires de dizaines de responsables ou en imposant un embargo sur les ventes de pétrole. Puis il a allégé ces mesures, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022 : une approche pragmatique s’imposait pour garantir l’approvisionnement en hydrocarbures. Mais les licences d’exportation de brut, accordées pour six mois, n’ont pas été renouvelées en avril.
Le précédent Juan Guaidó
La reconnaissance du candidat officiellement battu rappelle celle de Juan Guaidó, en 2019. Après la précédente réélection de Maduro, à l’issue d’un vote que l’opposition avait boycotté, le président de l’Assemblée nationale s’était proclamé président par intérim, avec le soutien des Etats-Unis, de l’Union européenne et d’une cinquantaine d’autres pays.
Pour cette partie de la communauté internationale, le Venezuela avait donc deux présidents : un contesté, mais en exercice, l’autre par intérim, mais sans aucun levier de pouvoir à sa disposition. Confronté à l’inconfort de cette situation et à des critiques venues de son propre camp, le député a fini par quitter le Venezuela en avril 2023. Il réside depuis en Floride et ne joue plus aucun rôle politique dans son pays.
La réaction de Caracas n’a pas tardé. Par cette décision «ridicule», «Blinken, ennemi avoué du Venezuela, insiste pour recommencer avec un Guaidó 2.0, soutenu par des fascistes et des terroristes subordonnés à la politique américaine», a tempêté mardi Iván Gil, le ministre des Affaires étrangères, sur Telegram.
Washington a utilisé l’expression «président élu», ce qui signifie que le vieux diplomate a remporté l’élection, mais n’a pas encore assumé le pouvoir. Il est logique de penser que le mandat de Maduro commençant le 10 janvier, González Urrutia sera considéré président légitime à cette date par les Etats-Unis.
Des latinos massivement pro-Trump
Que feront Donald Trump et son secrétaire d’Etat, Marco Rubio, dix jours plus tard en arrivant aux affaires ? D’après les analyses du vote du 5 novembre, les électeurs originaires des pays communistes (Cuba, Nicaragua, Venezuela) ont en masse penché en faveur du milliardaire et espèrent de sa part une politique de fermeté qui, à terme, pourrait favoriser l’alternance. La pression migratoire que font peser les trois dictatures sur les Etats-Unis plaide en faveur de ce scénario, de même que leurs liens étroits avec Téhéran et Pékin, deux bêtes noires de la future administration.
Mais les desseins du prochain hôte de la Maison Blanche sont imprévisibles, et une main tendue à Caracas n’est pas à exclure, sur fond d’intérêts pétroliers. On se souvient de la visite historique de Donald Trump, en juin 2019, en Corée du Nord, et sa poignée de main, inimaginable quelques mois auparavant, avec le satrape Kim Jong-un.
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