La biodiversité ne sert à rien ! par Eric Lenoir

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Après tout, si les lynx, les chardons et les oiseaux étaient si importants, on se démènerait pour les sauver, non, s’interroge le paysagiste et auteur ?

Qui en a quelque chose à faire du nombre de bousiers différents dans la réserve forestière de la Massane (1) ? Qu’est-ce que ça change à nos vies qu’il y ait plus de truites d’élevage que de truites sauvages dans nos rivières ? En quoi puis-je faire quelque chose au fait que les oiseaux sont trop tartes pour éviter les baies vitrées (2), les pales d’éoliennes des «escrolos» ou les véhicules sur les autoroutes ? A-t-on vraiment besoin des lynx ailleurs que là où ils sont actuellement, alors qu’on vit très bien sans eux depuis des décennies ? Et n’allez pas me dire que d’avoir trois sortes de chardons à la place des pelouses de ville, ça va changer quoi que ce soit pour la planète alors que les Chinois et les Américains mettent plein de pesticides dans leurs champs ! Pourquoi pas non plus les microbes ? On en a déjà bien assez comme ça ! C’est ça, la sélection naturelle, ça a toujours été comme ça : les plus adaptés restent et c’est normal.

Non, tout ça ne sert à rien. Ça ne nourrit pas le progrès technologique, ça n’interagit que très peu aujourd’hui sur le PIB, nos salaires, sur la balance commerciale internationale, sur la finance à haute vitesse et l’arrivée à destination des vidéos de chats, du porno et des séries qui transitent par des câbles sous-marins jusqu’à nos écrans et éventuellement nous alerter sur la gravité de ce qui se passe dans le monde, bien à distance dans le creux de nos mains.

D’ailleurs, si la biodiversité était importante, on interdirait la pêche industrielle dans les aires marines protégées. On n’autoriserait pas les chasseurs français à buter des espèces qu’on protège ailleurs en Europe ou en plein déclin (3). On cesserait de construire des autoroutes débiles et des lignes à grande vitesse qui n’ont de cesse de découper l’espace pour accélérer la course vers le fin fond du mur – qui ressemble de plus en plus à un tunnel en train de s’ébouler. On n’autoriserait pas les bateaux-usines, le soja issu de la déforestation de l’Amazonie pour nourrir nos bovins surnuméraires et la surconsommation de tout. On donnerait des moyens adéquats à l’OFB (Office français de la biodiversité) et aux divers organismes de sauvegarde et de surveillance. On n’aurait pas réduit à ce point les cours de sciences naturelles et l’éducation à l’environnement dans les programmes scolaires. On ne ferait pas de l’agriculture biologique et de l’agroécologie l’exception, tandis que les consommateurs paient moins cher ce qui détruit le plus, qu’on soutient par ailleurs. On ne prioriserait pas le business et la croissance sur les nécessités cruciales de ce qui vit, dont nous.

«On» est un con, rappelle l’adage populaire. «On» vote. «On» consomme. «On» administre pays et entreprises, fait du lobbying, se trompe, ment, proteste, s’égare. Heureusement «on» sait lire, et dispose d’une somme considérable d’études lui démontrant combien la biodiversité ne sert rigoureusement à rien, et tout ce en quoi ça n’influera jamais sur son quotidien, l’habitabilité de la planète, la santé, le commerce, la paix. A moins que ce ne soit l’inverse…

Punaise ! J’espère que non, sinon on serait dans une sacrée panade, et il y aurait urgence à agir par tous les moyens possibles pour la sauvegarder, cette biodiversité. Parce que là, il n’en reste déjà plus grand-chose. Ce serait foutrement grave.

(1) La réserve naturelle nationale forêt de la Massane (Pyrénées-Orientales) est vraisemblablement la forêt la plus étudiée au monde au mètre carré. http://www.rnnmassane.fr.
(2) Une étude de 2014 estimait cette mortalité entre 365 et 988 millions d’oiseaux par an rien qu’aux Etats-Unis. C’est considéré dans ce pays comme la seconde cause de mortalité des oiseaux d’origine anthropique, juste derrière les chats domestiques dont on estime qu’ils en tuent quatre fois plus.
(3) On chasse en France 64 espèces d’oiseaux, soit deux fois plus d’espèces par rapport à sa richesse spécifique (18 %) que dans l’UE (8 %), dont 20 espèces menacées de disparition. (Source LPO, Ligue de Protection des Oiseaux)

Libération

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