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Dissonance
L’ancienne frontwoman raconte, ce samedi 23 novembre, dans un entretien vidéo à «Mediapart», pourquoi elle a quitté le groupe de pop français. Elle décrit un environnement où elle se faisait «rabaisser, humilier» et une «sensation d’isolement très forte».
Il y a deux mois, les fans du groupe de pop français mondialement connu l’Impératrice apprenaient le départ de son incarnation vocale, Flore Benguigui. Dans une publication sur Instagram, la chanteuse et compositrice expliquait vouloir «protéger [s] a santé physique et mentale, qui a été très sérieusement mise à mal ces dernières années». Elle questionnait aussi une «industrie de la musique toxique et injuste, surtout envers les femmes». Ce samedi 23 novembre, quelques heures après un concert du groupe à l’Olympia et quelques heures avant une seconde prestation, l’ancienne frontwoman de l’Impératrice en dit plus dans un entretien vidéo accordé à Mediapart. Elle décrit un environnement où elle se faisait «rabaisser, humilier», une «emprise» et une «sensation d’isolement très forte» qui ont été jusqu’à lui faire perdre sa voix.
«On m’a toujours répété que j’étais une mauvaise chanteuse, que je chantais faux, pas assez fort», affirme Flore Benguigui au début de l’entretien, assurant que «très rapidement, il y a eu une pression pour que je chante plus fort» en concert. Malgré de nombreux cours, sa voix continue de ne pas assez porter et le groupe en vient à la doubler en live avec des séquences enregistrées. «J’avais l’impression de tricher, de mentir au public, dit la chanteuse. A aucun moment le groupe ne s’est dit que le groupe devait s’adapter à la voix. C’était toujours la voix qui passait en dernier.» Parce qu’elle «avai [t] toujours la sensation qu’[elle] allai [t] [s] e faire virer», Flore Benguigui dit qu’elle en faisait plus que les autres pour «garder [s] a place» : «gérer les réseaux sociaux, faire le merch [le merchandising], le stylisme, je lavais et repassais les tenues de scène de tout le monde».
«J’avais intériorisé que c’était normal d’être malheureuse»
«J’en suis arrivé à un point où je me disais que je ne méritais pas le succès de l’Impératrice et que je méritais qu’on me rabaisse, dit-elle encore. J’avais intériorisé que c’était normal d’être malheureuse.» Et la chanteuse de décrire, de la part de deux membres du groupe, une «alternance de love bombing, on me faisait beaucoup de cadeaux par exemple» et des moments où elle se «faisai [t] rabaisser, humilier, ils pouvaient me hurler dessus devant les autres membres du groupe». Elle décrit aussi un environnement de fort contrôle : «On m’a déjà demandé d’effacer des choses sur mes réseaux sociaux. Même mes prises de parole sur scène étaient très contrôlées.» «J’étais sous emprise», finit par lâcher Flore Benguigui, expliquant «avoir été constamment avec 5, voire 9 hommes» pendant des années sans «vacances ni week-ends», d’où a découlé une «sensation d’isolement très forte». «C’est pour ça que je n’ai pas eu le recul nécessaire», analyse-t-elle.
La chanteuse va jusqu’à révéler que ce climat lui a coûté sa voix pendant un an et demi, à partir de 2021. «J’ai fait des radios, j’ai fait de la microkiné, j’ai vu des gourous sur Skype… Et c’est ma psy qui m’a fait comprendre que ça ne venait pas de moi, raconte Flore Benguigui. Personne n’a pensé qu’il fallait que je m’arrête. On a continué la tournée. Pendant un an et demi j’essayais de chanter au maximum, j’étais en quasi-playback. C’est une humiliation énorme pour une chanteuse.» Elle raconte n’avoir, là encore, reçu le soutien d’aucun membre du groupe. «Le soir je pleurais systématiquement, tout le monde le voyait, reprend Flore Benguigui. J’étais en dépression, sous anxiolytiques. J’essayais de sauver la face. J’étais terrifiée à l’idée que les gens puissent savoir que je ne pouvais plus chanter.»
Sa voix a fini par revenir, de quoi réenregistrer notamment un dernier album, Pulsar, au pas de course, «en trois mois, pour pouvoir faire le festival Coachella». La goutte de trop d’une «course à l’argent» et d’un système où «le manager est aussi le label et aussi notre éditeur, donc en conflit d’intérêts et dans l’incapacité de protéger les artistes». Si elle est parvenue au bout de la conception de ce disque, Flore Benguigui ne s’est pas senti la force d’aller plus loin et a claqué la porte de L’Impératrice avant la tournée internationale. «Si je ne partais pas avant la grosse tournée d’été, je ne sais pas comment j’aurais pu survivre. Il fallait que je me sauve.»
Le groupe assure que les «situations décrites ne correspondent pas à la réalité des faits»
Sollicité par Mediapart, le groupe a réagi par mail. «Nous découvrons la gravité des faits et des ressentis partagés par Flore, écrivent les membres de L’Impératrice. Alors que nous étions un groupe, uni pendant neuf ans, nous sommes tristes de cette situation, de devoir répondre à Flore par voie de presse. Elle compte toujours beaucoup pour nous et nous savons ce que le groupe lui doit, artistiquement et sur le plan personnel. Mais les situations décrites par Flore ne correspondent pas à la réalité des faits.»
Le groupe dit notamment qu’«il n’y a jamais eu de contrôle sur ses prises de parole», que «concernant l’enregistrement de l’album, le lancement de la tournée et la promotion, Flore nous a réaffirmé à chacune de ces étapes sa volonté de poursuivre» et que «le traitement live des voix a été depuis le 1er concert en 2015 une décision artistique validée collectivement, ce qui n’a jamais remis en question ses qualités de chanteuse, compositrice, interprète ni sa place dans le groupe». L’Impératrice – qui a intégré une nouvelle chanteuse depuis – conclut en assurant que «si l’investissement et l’attention que nous lui avons apportés n’ont pas suffi, nous ne pouvons que le regretter».
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