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Disparition
Le peintre et poète sud-africain, qui a passé plusieurs années en prison pour son opposition à l’apartheid et avait été libéré grâce à l’intervention de François Mitterrand, est mort en France à l’âge de 85 ans.
Le peintre et poète sud-africain Breyten Breytenbach, figure de la lutte contre l’apartheid, qui a marqué toute sa vie et son œuvre, s’est «éteint paisiblement ce dimanche 24 novembre à Paris, à l’âge de 85 ans», a fait savoir sa fille dans un communiqué adressé à RFI. «Immense artiste, militant contre l’apartheid, il a combattu jusqu’à la fin pour un monde meilleur, écrit-elle encore. Ses mots, ses toiles, son imagination, sa résilience continueront à nous guider.»
Le grand poète sud-africain Breyten Breytenbach, qui a passé sept ans en prison pour son opposition à l’apartheid, est mort à l’âge de 85 ans. Il avait été libéré grâce à l’intervention de François Mitterrand en 1982, et avait rejoint sa famille en France 1/8 pic.twitter.com/JuwBWskSZL
— pierre haski (@pierrehaski) November 24, 2024
«Un homme d’une grande sensibilité, un citoyen du monde qui refusait de se laisser enfermer dans le piège identitaire. C’est un grand Sud-Africain, un grand Africain, un grand homme, qui disparaît», lui rend hommage sur X le journaliste Pierre Haski.
Huit ans de prison à Pretoria
Né en 1939 à Bonnievale dans une famille d’agriculteurs, il a grandi dans un milieu Afrikaaner. Engagé dans la lutte contre l’apartheid mené par le gouvernement Verwoerd, Breytenbach étudie les beaux-arts au Cap, avant de s’installer à Paris dans les années 1960. Il y rencontre et épouse Yolande Ngo-Sach-Vinh, une Française d’origine vietnamienne. Ce mariage, qui tombe sous le coup du Mixed Marriages Act et de l’Immorality Act prohibant, de 1949 à 1985, les mariages mixtes entre blancs et personnes d’autres couleurs, lui barre toute possibilité de retour dans son pays natal. C’est donc depuis Paris qu’il lance, en 1961, le mouvement clandestin d’opposition Okhela, chargé d’organiser les réseaux blancs au service du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela.
En 1975, Breytenbach se rend clandestinement en Afrique du Sud, muni d’un faux passeport, dans l’objectif de recruter des membres pour son organisation. Il est arrêté, jugé et condamné. Echappant de peu à la peine capitale, il passe huit ans dans la prison centrale de Pretoria, où il écrit Confession véridique d’un terroriste albinos. Libéré en 1982 par l’intercession du président François Mitterrand, Breytenbach retourne en France et adopte la nationalité française. Ce n’est qu’avec l’abolition des dernières lois de l’apartheid en 1991 que l’écrivain pourra remettre les pieds en Afrique du Sud.
«Une lutte qui n’avait pas abouti»
A partir de ce moment-là, il partagera sa vie entre les États-Unis, la France, le Sénégal, où il a dirigé l’Institut Gorée (Centre pour la Démocratie, le Développement et la Culture en Afrique), et son pays natal, où il a enseigné, publié et donné à voir des pièces de théâtre controversées sur la «nation arc-en-ciel», dont il a aussi été très critique. «Quand je suis rentré, j’ai eu le sentiment d’avoir participé à une lutte qui n’avait pas abouti, disait-il à Libération en 2010. L’arc-en-ciel a été découpé en petits morceaux par les nouveaux riches qui sont allés le vendre à Wall Street. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’on est en train de faire fausse route : la seule solution proposée a été de rendre l’Afrique du Sud encore plus capitaliste.»
Dans les archives
Considéré comme l’un des plus grands écrivains sud africain, Breyten Breytenbach, qui maîtrisait l’anglais, le français, l’espagnol, le néerlandais, et l’allemand, a d’abord écrit ses œuvres en afrikaans, avant de les rédiger directement en anglais, à partir des années 1980.Auteur de recueils de poèmes et de romans partagés entre fiction, autofiction et réalité, il a largement contribué à dénoncer l’immoralité de l’apartheid et les conditions de détention dans les prisons d’Afrique du Sud (Une saison au paradis, Retour au paradis : journal africain, le Cœur-chien). C’est aussi en tant que peintre et sculpteur que Breytenbach a acquis sa principale notoriété en Afrique du Sud et en Occident. Plusieurs de ses livres sont illustrés par ses soins, comme Tout un cheval (1989), qui fait alterner récits brefs et aquarelles.
En 2004, il est membre de la délégation internationale des écrivains qui ont répondu à l’appel du poète Mahmoud Darwich pour manifester sur place leur soutien aux Palestiniens, aux côtés de Russell Banks, Wole Soyinka, José Saramago, Bei Dao, Juan Goytisolo, Vincenzo Consolo, qui donnera lieu à un film documentaire, Ecrivains des frontières, un voyage en Palestine(s).
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