Assemblée nationale
A deux jours de l’examen de l’abrogation de la retraite à 64 ans, proposée dans la niche parlementaire de La France insoumise, la coalition gouvernementale a déposé une très grande majorité des amendements. Une manière de ne pas aller jusqu’au vote, alors que le gouvernement a proposé des «discussions» aux partenaires sociaux sur le sujet.
Prompts à dénoncer l’obstruction des oppositions quand ils étaient en majorité absolue, les macronistes n’hésitent pourtant pas à user de la même tactique dilatoire depuis qu’ils ne sont plus si nombreux à l’Assemblée. Et que ce soit sur le budget ou sur la proposition de loi insoumise visant à abroger la réforme des retraites à 64 ans de Macron. Ainsi lundi 25 novembre à minuit, 972 amendements ont été déposés en vue de l’examen du texte LFI jeudi, lors de la niche parlementaire mélenchoniste au Palais Bourbon. Et la quasi-totalité de ces amendements provient du «socle commun», soit 960 d’entre eux. Dans le détail, c’est le groupe EPR qui l’emporte avec 348 modifications proposées, suivi de la Droite républicaine (258), du Modem (193) et d’Horizons (161). En comparaison, le Nouveau Front populaire passe pour le petit poucet avec ses sept amendements. L’extrême droite est faiblement représentée par les trois d’Eric Ciotti, alors que le Rassemblement national est aux abonnés absents.
Trouvailles
Ce total pourrait permettre à la coalition gouvernementale d’étirer les débats pour retarder, voire empêcher un vote sur la proposition de loi. Et ainsi faire plaisir à François Bayrou qui refusait ce week-end que les députés votent sur ce texte. Eric Coquerel a ainsi dénoncé, sur LCP, un «travail d’obstruction» et «le côté scandaleux que revêtirait une telle tactique». La cheffe des députés LFI, Mathilde Panot, a transmis le message à Barnier en fin de journée lundi, expliquant à l’issue de son rendez-vous à Matignon qu’il serait «insupportable» et «irresponsable» de «ne pas laisser aller au vote» sur ce sujet. Vote que les macronistes devraient perdre, comme cela a été le cas en commission des Affaires sociales.
Les titres d’amendements «trollesques» de Ludovic Mendes
Mais depuis mardi matin, le nombre d’amendement du «socle commun» fond petit à petit, 28 ayant été jugés irrecevables par la présidence de l’Assemblée nationale à 14 heures. Grand champion de ce jeu avec 83 modifications déposées sur ce texte, le MoDem Nicolas Turquois a déjà vu 19 d’entre elles refusées. Cette descente est accentuée par un des députés macronistes, Ludovic Mendes. Auteur de 28 amendements, il en a finalement retiré 18. Deux d’entre eux proposaient, par exemple, de remplacer le titre initial par «Retraite à 64 ans : Parce qu’ignorer la réalité et céder à la pression populiste, c’est ça, être responsable» ou «Réformer les retraites ? Pourquoi se fatiguer quand on peut abroger et gagner des voix en un clin d’œil !». Le député de Moselle a tout de même conservé l’un de ses titres : son amendement 934 propose de modifier le titre par «Abroger la réforme des retraites : Un véritable chef-d’œuvre de démagogie, où l’on prétend sauver l’avenir en ignorant le présent». «Les titres que j’ai déposés sont en lien avec ce que je pense du texte, en lien avec les mensonges qu’ils racontent sur ce texte, se défend Ludovic Mendes auprès de Libération, rejetant les accusations d’obstruction. Vous verrez que les débats seront beaucoup plus techniques et complets que ce que l’on est en train de nous expliquer.»
La gauche avait déjà accusé la macronie et les Républicains d’utiliser cette stratégie de l’obstruction lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, fin octobre. La Droite républicaine avait déposé 754 amendements et Ensemble 541, quand LFI n’en avait que 357. «Ils veulent pourrir les débats», avait alors jugé le président de la commission des finances Eric Coquerel sur BFMTV jeudi 24 octobre. Les rôles étaient inversés lors de l’examen de la réforme des retraites en février 2023. Avec 20 000 amendements, dont 18 000 déposés par la Nupes, l’article 7 du projet de loi, qui reportait la retraite à 64 ans, n’avait pas pu être étudié à temps.
A défaut de voter l’abrogation de la retraite à 64 ans ce jeudi, le gouvernement s’est dit prêt à «aménager» la réforme Macron. Dans une lettre envoyée aux syndicats ce lundi 25 novembre, la ministre du Travail et de l’emploi Astrid Panosyan-Bouvet a proposé d’ouvrir des «discussions», dans «les prochaines semaines». A son arrivée à Matignon, le 5 septembre, Michel Barnier avait affirmé son intention de «reprendre le dialogue» sur le report de la retraite de 62 à 64 ans.
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