«Le regard, l’ouïe, tout était décuplé. Tu redevenais animal» – Libération

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Documentaire

Une saison à la montagnedossier

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Dans le documentaire «les Jours sauvages», cinquante jours en autonomie totale au fin fond de l’Alaska. Une traversée de plus de 500 kilomètres ponctuée par l’ascension des deux plus hauts sommets d’Amérique du Nord.

Le Denali (6 190 mètres, point culminant de l’Amérique du Nord) et le Foraker (5 304 mètres), veillent au-dessus d’eux. Un groupe de copains, alpinistes et skieurs de pentes raides – Helias Millerioux (37 ans), Christophe Tricou (35 ans), Aurélien Lardy (27 ans) et Alexandre Marchesseau (35 ans)- sont en Alaska, en 2023. Ils vont parcourir 450 kilomètres, durant cinquante jours. «Ce qui est beau, dans le délire, c’est de faire tout en autonomie complète : une sorte de quête». Le documentaire Les jours sauvages d’Alexandre Marchesseau et Johann Guignard, présenté cette année à Autrans, raconte leur aventure.

On les voit donc tirer leur pulka sur la neige ou les rochers, traverser des rivières, tomber à l’eau, s’enfoncer dans la neige jusqu’aux genoux. «On se gèle, on est un peu grognons, et puis on prend nos marques». Le temps est splendide, le ciel est bleu, les images magnifiques. Jour 10. Tempête. «Les journées les plus difficiles dans le massif du Mont Blanc, j’ai l’impression qu’ici on les a vécues tous les jours». Ils ont de la glace dans les moustaches.

Jour 11. «Cela reste du plaisir. Est-ce que tu le crois ? L’alpinisme ? Du plaisir ? On se fait du plaisir dans la souffrance !» Jour 12. Tempête toujours. «A nouveau on reste patients, il ne faut pas faire d’erreurs, c’est comme ça la montagne. Tu as conscience des risques, de ce qui peut se passer, mais tu éprouves une réaction animale. Tu te dis, il faut que j’avance.» Soudain, une crevasse : tout le sol disparaît sous leurs pieds. «Là, on s’est dit, là, on a bien dépassé la ligne rouge. On a eu ensuite quatre jours pour faire le point après la crevasse, tu crois vraiment qu’on a fait le point ?» Ils en doutent. Aurélien Lardy (dit «Aurel») détaille à Libération : «On avait pris la mauvaise habitude d’avancer coûte que coûte, en oubliant l’environnement. C’était le dernier jour pour passer le col. Grosse tempête, très froid, énormément de vent. Mais nous, on ne s’accrochait pas aux cordes. On a descendu une luge dans cette précipitation. Alors, la montagne te rappelle que tu n’es personne, que tu n’as pas raison. Par la suite, on accepte de perdre dix minutes, pour ne pas perdre la vie. C’est un épisode qui nous a fait du bien».

L’un d’eux a les larmes aux yeux. «Je suis assez sensible en ce moment, je ne sais pas pourquoi ? Parce que c’est dur ! Parce qu’on a la chance d’être ici.» Ils se mettent des paillettes sur le visage. Comme un rituel. Aurélien Lardy, encore : «On a eu la sensation de retrouver un sixième sens. Dans la tempête, notre instinct nous menait où on trouvait des traces d’animaux. Le regard, l’ouïe, tout était décuplé. C’était un fort ensauvagement. Tu redevenais animal. C’est d’une puissance inouïe, une violence magnifique…» Un autre, dans le documentaire : «Cela fait du bien de se faire du mal, cela a été tellement de souffrance pour moi que je n’ai pas eu d’émotion.»

Jour 28. L’alpinisme. Le ski de montagne. «Là, ce qu’on fait, ce ne sont pas des jeux. Tu connais des jeux où on peut mourir ? L’alpinisme, c’est de l’engagement. Tu penses qu’on a une bonne étoile ? A un moment on ne peut pas compter sur la chance, il y a du boulot derrière.» Aurélien Lardy commente : «La montagne, est cet endroit de liberté. Avec cette cordée, on est devenus des frères. Dans cette souffrance, ce partage… On s’est soutenus. Il y a du plaisir dans la souffrance. Cela fait parti plaisir, de sortir de sa zone de confort, d’être confronté à la peur. Tout cela a changé notre perception du monde». Conclusion d’un d’entre eux : «Est-ce que je serai un petit peu changé après cette aventure ? En bien… C’est sûr.»

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