Donner les moyens à la justice pour sauver la nature

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Climat Libé Tour: tribune

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Le droit français prévoit déjà des moyens de protection du climat. Encore fait-il qu’ils soient mis en œuvre.

par Sébastien Mabile, docteur en droit, avocat au barreau de Paris (Seattle Avocats)

Jeunesse, biodiversité, justice, décolonialisme… Toute l’année, Libé informe sur les enjeux de l’urgence écologique à travers une série d’événements gratuits et grand public. L’objectif : trouver des solutions concrètes au plus proche des territoires. Cinquième étape du Tour 2024 : Marseille, le samedi 19 octobre (entrée libre sur inscription). Un rendez-vous réalisé avec le soutien de la ville de Marseille, le Mucem et la Citadelle de Marseille, et en partenariat avec le Crédit Coopératif, l’Ademe, le groupe VYV, le groupe SOS, Asics, la Fondation Jean-Jaurès, Greenpeace, Oxfam, la Forêt des Possibles, le Lierre, Médiatransports, Pioche ! Magazine, Vert, le média et BFM Marseille. Entrée gratuite sur inscription.

Non, la justice ne va pas et ne peut pas sauver la nature. Le rôle des juges n’est pas de préserver la biodiversité mais plus modestement de faire appliquer les lois de la République adoptées par le parlement. C’est d’abord aux élus, et donc aux citoyens qui les désignent, que revient la tâche de «sauver la nature».

Ceci étant dit, le droit de l’environnement souffre d’un défaut reconnu par tous ceux qui le pratiquent : son ineffectivité. Ce n’est pas l’absence de norme qui fait défaut, mais le non-respect des normes existantes. La fonction de contrôle a longtemps été dévolue à l’administration, sous l’autorité des préfets. Elle ne visait que les seules activités déclarées ou connues qui bénéficiaient d’une certaine bienveillance au nom du maintien de l’emploi. Parallèlement, la criminalité environnementale s’est considérablement développée – qu’elle soit le fait d’incivilités, d’infractions commises par des entreprises à la recherche de profits ou par des organisations criminelles transnationales – renforçant la nécessité d’un rôle accru des juridictions répressives.

Longtemps resté «invisible et délaissé», le contentieux pénal de l’environnement offre pourtant de nombreux avantages : sa dimension répressive permet de garantir l’effectivité des normes existantes, tandis que la publicité du procès pénal favorise la prévention de la commission de nouvelles infractions. Pourtant, les parquets ont longtemps privilégié les alternatives aux poursuites (rappel à la loi, composition pénale, classement sous condition de régularisation) si bien que les affaires jugées par les tribunaux correctionnels restaient exceptionnelles.

Une loi du 24 décembre 2020 a permis de doucement faire évoluer les choses en créant, dans le ressort de chacune des 36 cours d’appel, un «pôle régional environnemental» composé de procureurs spécialement compétents pour poursuivre les mis en cause dans les affaires environnementales «complexes». L’année suivante, la loi climat du 22 août 2021 a étendu à toutes les infractions environnementales la procédure de «référé pénal environnemental» qui permet à quiconque, sous réserve de l’accord du procureur de la République, de saisir le juge des libertés et de la détention pour dénoncer le non-respect de prescriptions environnementales. Le juge peut alors ordonner en urgence toute mesure utile permettant de faire cesser une pollution ou de régulariser une situation problématique.

Marseille, siège du pôle régional environnemental, est en première ligne en raison d’une biodiversité exceptionnelle, d’une concentration d’industries polluantes et de la présence de nombreux trafics de déchets ou d’espèces protégées. Depuis quelques années, des dizaines de jugements ont ainsi été prononcées à l’égard de trafiquants, d’industriels ou de braconniers à l’issue d’enquêtes diligentées par le pôle spécialisé, souvent assortis de condamnations à réparer le préjudice écologique. Au sein du périmètre particulièrement sensible du Parc national des Calanques, le «groupe opérationnel Calanques» réunit, autour du procureur de la République, les services de l’Etat concernés et les différentes unités de police, de gendarmerie et des douanes afin de piloter la politique pénale environnementale.

Ces réformes ont cependant été réalisées à moyens constants et sans que les juridictions de jugement ne soient dotées de magistrats spécialisés. Par ailleurs, la police de l’environnement principalement assurée par l’Office français de la biodiversité reste sous dotée, avec en moyenne une quinzaine d’agents par département, malgré la création, au sein de la gendarmerie, du Commandement pour l’environnement et la santé (Cesan) qui s’appuie sur 4 000 gendarmes spécialement formés.

De timides progrès ont donc été réalisés mais beaucoup reste à accomplir pour que cesse l’impunité envers ceux – individus, entreprises ou groupes criminels – qui s’enrichissent sur la dégradation de l’environnement, au préjudice de notre bien-être, de notre santé, et de celle de l’ensemble du vivant dont nous dépendons.

Libération

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