«La nuit s’ajoute à la nuit» : la descente aux fers d’Ananda Devi dans la prison de Montluc

Dans «La nuit s’ajoute à la nuit», l’autrice raconte son séjour nocturne dans l’ancienne prison militaire de Montluc, aux prises avec les fantômes de Jean Moulin ou André Devigny, et de toutes les femmes oubliées qui peuplèrent ces lieux.

La première fois, c’était en 2022, Ananda Devi déambulait dans l’ancienne prison militaire lyonnaise de Montluc après avoir été sélectionnée par le prix littéraire Montluc Résistance et Liberté pour le Rire des déesses (Grasset, 2021). Elle avait pensé ne plus y revenir, mais la voilà, un jour de grève en mars 2023, à attendre sous la pluie l’ouverture des grilles, avec sa valise. Elle est venue se confronter à un «corps pulsant de menaces» pour la collection «Ma Nuit au musée» des éditions Stock. De cette prison devenue un mémorial, elle ne connaît pas grand-chose. Elle refuse de se documenter, préférant se «laisser porter, emporter, transporter. Voire fracasser» pour entrer «dans une histoire à laquelle me lie la conscience atavique et collective de l’humanité».

Un soir, ce couloir aux carreaux rouges, cassés par endroits, foulé par Jean Moulin, devient son dortoir. Elle se pose rarement sur le lit de camp installé pour l’occasion. Elle y laisse ordinateur, tasse, parapluie, carnets et livres qu’elle ne cesse d’égrener au fil des pages. Elle explique : «La poésie comme révolte, de même que la souillure, de même que le silence face aux coups, de même que le mure inflexible du regard. La poésie écrite en lettres minuscules sur du papier toilette, rituel du désespoir, chant enténébré lorsque la nuit plâtreuse s’écaille et s’effrite autour de soi. Derrière, nul jour ne point. […] Et pour comprendre qu’il est possible de restituer l’innommable lors