La redécouverte du ruisseau des Aygalades, «véritable personnage» de Marseille

Главная страница » La redécouverte du ruisseau des Aygalades, «véritable personnage» de Marseille
Climat Libé Tourdossier

Les 17 kilomètres du cours d’eau relient Septèmes-les-Vallons à la Méditerranée en passant par les quartiers Nord. Canalisé, couvert, délaissé, il revit peu à peu grâce à des associations attachées à le revaloriser.

Elle a noué, pour l’occasion, un ruban bleu dans ses cheveux. La pluie du jour n’entame pas l’enthousiasme de Claire Ricciardi, membre du «collectif des Gammares», qui regroupe des associations et habitants autour de l’envie de prendre soin des ruisseaux oubliés de Marseille. Et en premier lieu d’un ruisseau, celui des Aygalades, appelé aussi Caravelle. Ce cours d’eau de 17 km prend sa source à Septèmes-les-Vallons, avant de traverser les quartiers Nord et de se jeter dans la mer au pied de la tour CMA-CGM. Depuis quatre ans, le collectif le célèbre lors d’une «fête du ruisseau», à la cité des arts de la rue. Le lieu n’a pas été choisi au hasard. C’est ici, en contrebas de cette ancienne huilerie, que l’aventure a commencée par la redécouverte d’une cascade enfouie au milieu de la végétation et des déchets amoncelés.

Sous l’égide de la cité, un chantier d’insertion se met en place pour ouvrir un accès à l’eau. Comme d’autres habitants alentour, Claire Ricciardi, retraitée du Planning familial, entend alors parler de la cascade. Elle ne s’attend pas à pareille émotion en allant y voir de près : «Tu marches dans un vallon de fraîcheur, le lieu est magique, tu n’imagines pas ça dans le quartier. Je suis tombée amoureuse de l’endroit !» Elle rejoint le collectif et y savoure une forme de «militance apprenante». Car suivre le fil du ruisseau, c’est ouvrir bien plus qu’un pan d’histoire de Marseille. «Nos cours d’eau, c’est comme une mémoire de ce qui s’est passé à l’endroit où on habite, dit Antoine Devillet, jeune chercheur faisant aussi partie du collectif. La grande question, c’est comment, en tant que riverains, on en prend soin. Il y a plein de réponses possibles. C’est très difficile comme non-expert de trouver sa place. Il faut connaître le ruisseau, le comprendre et recréer déjà une relation sensible.»

Avec les Aygalades, cette relation a débuté par la marche, «le pas de côté», «l’urbex qui ne dit pas son nom», comme le raconte Julie de Mueur, engagée dans la coopérative d’habitants Hôtel du Nord. C’est que le ruisseau ne se donne pas facilement à voir. La construction du canal de Provence, au XIXe siècle, est passée par là, le rendant inutile aux grandes bastides. Puis les industries – encore aujourd’hui la cimenterie Lafarge – et la construction de l’autoroute. Quand il n’est pas canalisé, busé, il est perçu comme un égout à ciel ouvert. Mais en 2007, le cours d’eau devient un «véritable personnage» par l’entremise de Christine Breton, conservatrice du patrimoine, qui mène toute une démarche avec les habitants des quartiers Nord. Sur d’anciens plans, elle identifie l’existence d’une galerie souterraine et se rend compte qu’elle débouche sur… une chute d’eau.

Un autre récit s’ouvre alors. Sur le patrimoine : «Les seules cartes qui étaient produites parlaient d’indices de pauvreté, de criminalité. C’est une réalité, il ne s’agit pas de la remplacer mais de complexifier l’histoire, de sortir des stigmatisations, de renforcer l’estime de soi des habitants.» Sur l’écologie aussi. En 2017, le ruisseau, jusque-là orphelin, est inscrit au contrat de baie. «On bascule dès lors dans le vivant.» Des études scientifiques sont pour la première fois menées, et la présence de gammares mesurée. Ces crevettes d’eau douce sont des bio-indicateurs de la pollution du ruisseau, qui à terme doit traverser le nouveau parc Bougainville, au sud du vallon des Aygalades. Pour l’heure, la cascade – ouverte à la visite les mercredis et premiers dimanches du mois – reste l’un des seuls lieux où approcher le ruisseau. Quand elle n’est pas en eau, une ingénieuse «machine à renaturer» permet d’actionner des pompes. «C’est la réalité des cours d’eau», souffle l’un de ses concepteurs, le jardinier et plasticien Jean-François Marc, qui dit aussi l’importance de «faire rêver». Ce dimanche, la pluie n’y suffit pas. Un garçonnet glisse 50 centimes dans la machine, et la cascade se met à couler. «Trop fort !», lance-t-il, ravi.

Libération

Post navigation

Leave a Comment

Schreibe einen Kommentar

Deine E-Mail-Adresse wird nicht veröffentlicht. Erforderliche Felder sind mit * markiert