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Par Marie Batoux, adjointe au maire de Marseille chargée de l’éducation populaire.
par Marie Batoux, adjointe au maire de Marseille en charge de lʼéducation populaire
Le 20 juin 1936, le Front populaire, mené par Léon Blum, promulgue la loi de généralisation des congés payés. Selon le ministre des sports et des loisirs Léo Lagrange, ce texte signe «l’an I du bonheur». Comment ne pas lui donner raison ? Il faisait alors du temps libre un acquis social majeur qui a permis les loisirs, les congés payés et le développement de l’éducation populaire. Cette volonté forte, confrontée à un monde qui en s’accélérant a opéré un glissement qui nous interroge, est constitutive de tous les engagements de l’éducation populaire pour un temps émancipateur.
Parce que le temps peut être le grand moteur du changement social ; les plus grandes avancées de nos sociétés contemporaines sont celles qui nous permettent de transformer notre rapport au temps, à son usage, et d’acquérir une liberté croissante d’en jouir et de l’utiliser comme un vecteur d’émancipation.
Le temps libre est le reflet d’une société qui progresse
Le temps libre, c’est le temps du citoyen, celui où il redevient en théorie maître de son existence, où il peut choisir sans contrainte ses mouvements, ses actions, agir selon ses envies et se grandir par lui-même. Dans une société qui veut renouer avec son essence, le temps libre, le temps libéré, est celui de l’engagement, et il ne doit pas être mis de côté. C’est le temps où se fonde le citoyen, le temps mis à disposition de la société sans quête lucrative.
Le temps libre est le reflet d’une société qui progresse et qui réinvente sa perception de l’existence, son rapport au travail et au commun tout en construisant une certaine idée de la liberté. Avoir du temps libre, c’est avoir du temps pour soi, pour prendre soin de son corps, de son esprit, de sa famille et de ses proches. C’est développer des passions, construire des talents, découvrir de nouveaux horizons. C’est prendre du champ, de la hauteur.
Aujourd’hui, trop d’enfants, trop de familles, n’ont pas les moyens de partir en vacances, d’accéder à la mer, à la montagne, à la culture, de découvrir de nouveaux paysages. Le temps peut être libre, mais l’espace restreint, et les plus précaires sont encore trop souvent assignés à résidence. Par ailleurs, il nous revient de considérer que le temps libre évolue en fonction de nos âges, de nos fonctions, de nos situations sociales. Parfois, même, il devient contraint et imposé, et n’est plus un espace émancipateur.
Il est temps de réinventer notre rapport au temps libre pour qu’il devienne véritablement émancipateur, et continuer les combats du Front populaire de 1936 en redéfinissant les voies et les moyens à disposition de nos villes, de nos sociétés, de nos organisations, pour prendre en charge ce sujet et accompagner sa transition. Depuis quatre ans, la ville de Marseille agit pour que le pouvoir d’achat ne soit plus un frein au bonheur du temps libre ; nous renforçons l’éducation artistique et culturelle, rendons tous nos lieux de culture et de loisirs gratuits pour les enfants durant le temps des vacances scolaires, mettons à disposition des structures associatives des bus pour organiser des voyages dans la région, et nous nous sommes associés aux fédérations d’éducation populaire pour proposer des colonies de vacances pour des prix allant de 1 à 10 euros.
Direction du Temps Libre
Dès 2020, le maire de Marseille Benoît Payan a souhaité que Marseille puisse compter sur une Direction du Temps Libre, et c’est aujourd’hui l’une des seules capitales mondiales à avoir inscrit cette ambition dans son organigramme officiel. Nous poursuivons cet horizon en travaillant sans relâche avec les fédérations et les acteurs de l’éducation populaire ; c’est le sens de ces rencontres que nous organisons pour la quatrième année consécutive. L’éducation populaire est cet outil pour penser les temps actuels et permettre à chacun et chacune de construire un espace émancipateur en fonction de sa situation propre. Nous devons ensemble – collectivités, associations, habitants — penser la politique pour l’adapter, la rendre en phase avec les réalités de nos territoires.
Dans un contexte global d’affaissement du lien social et de la solidarité, il est urgent de se retrouver et de créer la controverse utile pour repenser ensemble un nouveau modèle et un nouveau rapport au temps libre pour plus d’émancipation individuelle et collectivement. Nous sommes très fiers d’organiser ce moment vecteur de dynamiques et de synergies.
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