Louise Chennevière fouille la violence faite aux femmes

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Est-ce parce que, tout au long de Pour Britney, Louise Chennevière évoque à plusieurs reprises la petite fille qu’elle fut ? On distingue nettement les traits de celle-ci dans le ­visage nu de la trentenaire – yeux bleus encadrés de cils et sourcils pâles, queue-de-cheval blonde au-dessus du perfecto de cuir noir –, que l’on rencontre dans un bar parisien. Ses propos sont débités d’une voix grave, traversés par des éclats de rire juvéniles. « C’est une drôle de chose que l’enfance, c’est, la chose la plus loin et peut-être, la plus proche », écrit-elle au tout début de son troisième livre. Celui-ci sème le désordre dans la ponctuation et les virgules comme il aimerait le faire dans la logique d’un monde qui hypersexualise le corps des femmes et ne cesse de le leur faire payer.

Ce fut le sort réservé à Britney Spears, l’idole de ses 8 ans, oubliée et même ­reniée à l’adolescence, une fois la chanteuse devenue un universel objet de moquerie après avoir perdu le contrôle de sa vie et la garde de ses fils pendant treize ans. Ce fut aussi le cas de l’écrivaine québécoise et ancienne prostituée Nelly Arcan, suicidée en 2009, à l’âge de 36 ans, morte « de n’en plus pouvoir d’avoir été faite femme ».

La lecture des Mémoires de l’une, La Femme en moi (JC Lattès, 2023), a précipité un désir de texte né lors de la découverte, à l’été précédent, des livres de l’autre, Putain, Folle et Burqa de chair (Seuil, 2001, 2004 et 2011). Pour Britney, qui aurait pu s’appeler « Pour Nelly », « Pour Louise » ou, même, « Pour nous toutes », tant il fait reposer la féminité sur une somme d’expériences partagées (quoique leur intensité ou leur degré de brutalité varie), est porteur d’une colère qui se déverse après avoir longtemps bouillonné, en un jet torrentiel et bref, d’une force implacable.

Louise Chennevière en a écrit la première version en « trois semaines ». Elle ne met pas cette durée sur le compte d’une épiphanie, encore moins d’un rapport insouciant à la création – « Je ne sais pas écrire avec mesure, rationnellement, j’engage tout mon corps, jusqu’à ce que je n’en puisse plus. » Elle l’attribue plutôt au long temps de maturation et d’accumulation de « matière », au fil des événements et discussions qui ont nourri son féminisme.

Lucidité radicale

Des lectures, aussi, bien sûr. Il y a, dans Pour Britney, une puissance énervée et une interrogation sur la place du corps féminin dans l’espace public qui fait par instants songer à King Kong Théorie, de Virginie Despentes (Grasset, 2006), « évidemment » lu, à 20 ans. « Ça a été un choc absolu de découvrir cette liberté de parole qui ne se souciait pas des questions morales. » Elle a fréquenté les textes de Judith Butler et Monique Wittig (1935-2003), parmi d’autres, mais, plutôt qu’à la théorie, l’ex-étudiante en philosophie s’en ­remet à la littérature pour densifier sa réflexion. Elle connaît actuellement « une phase Toni Morrison ». Installée dans une chambre de bonne « de 8 mètres carrés », depuis un retour dans son Paris natal après un passage de trois ans par le Vaucluse, elle a été contrainte à un tri « drastique » de sa bibliothèque.

Le Monde

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