:quality(70)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/VVU345XOXBHYNMQDM2SFGY7GUI.jpg)
Sur le parvis du tribunal de Paris, des militantes féministes se sont rassemblées ce lundi 9 décembre pour témoigner de leur soutien à l’actrice, quelques heures avant le procès du réalisateur Christophe Ruggia, poursuivi pour agressions sexuelles sur mineure.
Il fait un froid cinglant, mais qu’importe, une cinquantaine de femmes sont là, sur le parvis du tribunal de Paris, pour soutenir Adèle Haenel. Le procès du réalisateur Christophe Ruggia ouvre ce lundi 9 décembre, il est poursuivi pour agressions sexuelles sur mineure. L’actrice avait témoigné en 2019 dans les colonnes de Mediapart des violences sexuelles qu’elle aurait subies à 14 ans à peine, sur le tournage du film les Diables. Le réalisateur, dans Mediapart, a contesté ces accusations, reconnaissant toutefois une «emprise» exercée sur la jeune fille durant le tournage. Le rassemblement, «organisé hors de toute organisation ou collectif» a été relayé par diverses associations féministes sur les réseaux sociaux, appelant à soutenir Adèle Haenel, pionnière de la vague #Metoo qui a bouleversé le cinéma français.
«Je suis en pleine procédure judiciaire, pour viol» confie Sylvia, 67 ans, le regard vif sous d’épaisses lunettes, qui se reconnaît dans le récit de l’actrice de la Naissance des pieuvres. La militante tenait absolument à «être là pour elle [Adèle Haenel] et pour les autres». Quand elle évoque la justice, sa voix douce prend des accents amers. «La parole se libère mais il y a toujours un mur», soupire-t-elle, en déplorant l’inefficacité de la machine judiciaire.
Une justice défaillante
A ses côtés, Catherine, une camarade de lutte aussi victime de «viol et d’inceste», renchérit : «Les agresseurs nous massacrent, ensuite la police, et après la justice. Je comprends pourquoi des femmes n’osent pas porter plainte.» Membre de l’association Mouv’enfant, qui œuvre pour la protection des mineurs, la femme de 67 ans fustige le principe de la prescription, «un réel drame, pour toutes les victimes». Sans parler du «classement sans suite», qui concerne de nombreux cas de viol, et qu’elle qualifie de «dégueulasse».
«Macron avait assuré mettre le sujet des violences sexuelles, les femmes et les enfants en priorité», s’exclame-t-elle, furieusement. Elle estime qu’en dépit de certaines mesures mises en place par le président comme le Grenelle contre les violences conjugales ou encore la création d’un bracelet anti-rapprochement, les hommes accusés de viols et d’inceste sont toujours insuffisamment inquiétés par la justice. La présence des femmes sur le parvis du tribunal est plutôt «symbolique», estime de son côté Alexia, 41 ans, qui affiche un air songeur. «Je n’attends rien de la justice», soupire-t-elle. «Le changement est en cours, mais n’a pas encore eu lieu», conclut-elle laconique.
«Adèle, on te croit»
«C’est tristement banal ce qu’a vécu Adèle», soupire Alicia, le regard vif, emmitouflée dans un manteau de laine. Venue seule au rassemblement, la militante de 34 ans salue le courage qu’a eu l’actrice de «visibiliser» cette cause et espère qu’elle gagnera ce procès. Les violences sexuelles, sujet alors «infiniment tabou il y a quelques années l’est de moins en moins» estime-t-elle.
Dans la foule, des groupes se forment, des amies se retrouvent, s’étreignent avec enthousiasme, comme Catherine, 59 ans, venue avec sa «meuf», et des copines. «Il faut soutenir les personnes qui ont subi des violences, comme ce fut le cas pour Gisèle Pelicot dernièrement», martèle cette militante de la première heure. En plus de sortir dans la rue depuis des années, elle ne va «plus voir les films de tous ces mecs qui sont accusés», et ne lit «plus ceux qui disent des saloperies sur les femmes et les personnes homosexuelles».
Parmi ses amies, il y a Nicole, 71 ans et coprésidente du centre audiovisuel Simone de Beauvoir qui produit et diffuse des documents audiovisuels sur les droits et luttes des femmes. Familière du milieu du cinéma, cette retraitée toujours dehors pour militer constate un tournant. «Il y a eu des lois et des mesures prises, notamment par le CNC, mais également l’apparition de coordinateurs d’intimité sur les plateaux. Il y a également un mouvement citoyen», autant d’évolutions positives hors des institutions judiciaires.
Dans la foule, plusieurs expriment une forte gratitude à l’égard de l’actrice, au travers de pancartes, de slogans («Adèle on te croit !»). «Adèle Haenel est à l’origine de ce renouveau féministe. C’est une belle vague, il faut que ça continue, merci à elle», sourit Anne-Claude, 62 ans. «Je la soutiens de tout mon cœur et de toutes mes tripes», renchérit Catherine. Il est 12 h 30, et subitement, les militantes disséminées sur la place s’assemblent en un bloc, et entonnent en chœur un chant pour témoigner, avec force, de leur solidarité. «Nous sommes fortes, nous sommes fières et féministes et radicales et en colère !»
Leave a Comment