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Nicolas Nace, responsable de la campagne transition énergétique chez Greenpeace France, dénonce des choix budgétaires pro-atome, qui révèlent une volonté politique à rebours des enjeux environnementaux et sociaux actuels.
par Nicolas Nace, chargé de la campagne Transition énergétique chez Greenpeace France
Depuis des décennies, les partisans du statu quo, celui des énergies fossiles, rejoints par toute une partie des défenseurs de l’atome; n’ont eu de cesse de dénigrer les énergies renouvelables. Présentées comme trop chères, incapables de rivaliser avec le prix du charbon, du gaz fossile ou du nucléaire, elles sont désormais moins coûteuses pour produire de l’électricité dans le monde. Alors, il a fallu que les défenseurs du nucléaire trouvent autre chose pour décrédibiliser l’énergie solaire et l’éolien : l’intermittence. Il y a une ou deux décennies, des experts de la transition énergétique expliquaient que l’éolien et le solaire ne pourraient jamais dépasser 20 ou 30 % du mix électrique. Mais sur les onze premiers mois de 2024, le Danemark a produit en moyenne plus de 70 % de son électricité avec l’éolien et le solaire, et l’Espagne presque 50 %. Alors nucléaire ou renouvelables ? La réelle question est de savoir comment atteindre nos objectifs climatiques et limiter le réchauffement mondial à + 1,5 °C.
En cela, les chiffres sont édifiants : près de 70 % de l’électricité mondiale sera fournie par l’éolien et le solaire en 2050, chiffre qui atteindra près de 90 % pour l’ensemble des énergies renouvelables, selon les scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC 1) et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Dans ces scénarios, l’évidence est que le nucléaire sera relégué en 2050 au dernier plan. Là où la capacité mondiale d’énergie nucléaire fluctue depuis les années 2000 entre 350 et 400 GW installés, l’éolien et le solaire sont respectivement passés de 17 et 1 GW en 2000 à 1 017 et 1 406 GW fin 2023.
Sur la faisabilité technique, quand il fait nuit ou en périodes peu venteuses, les scénarios «Futurs énergétiques 2050» du Réseau de transport d’électricité (RTE) ou ceux de l’association NégaWatt ont tranché : le 100 % renouvelables est tout à fait possible. Côté coût, la différence entre les scénarios avec ou sans relance du nucléaire dépend des hypothèses envisagées : niveau de consommation d’électricité, évolution des prix des énergies renouvelables et de ceux des batteries, faisabilité des délais et des coûts des EPR2, etc. Ces écarts de coûts entre les scénarios restent relativement faibles, de l’ordre de 15 % d’ici à 2050.
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Si les aspects techniques et économiques ne justifient pas le choix de relancer le nucléaire, il ne reste plus que le choix politique. En pleine austérité budgétaire, le gouvernement Barnier l’avait très bien compris : presque tous les budgets pour la transition, permettant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ont été sabrés dans le texte initial. MaPrimeRénov’, pour rénover les logements, moins 1,5 milliard d’euros ; le Fond vert, destiné aux bâtiments publics, dont les établissements scolaires, moins 1,5 milliard d’euros ; le Fonds chaleur, subventionnant la sortie des énergies fossiles dans la production de chaleur, moins 25 % pour son budget annuel.
Mais tous les budgets ne sont pas impactés : la coûteuse relance du nucléaire reste immuable. Pire encore, l’Etat envisage un prêt à taux zéro pour financer les nouveaux réacteurs nucléaires. L’intention politique est claire : réduire les budgets de la transition au profit du nucléaire, dont le coût est phénoménal et non maîtrisé.
Mais choisir la relance du nucléaire, c’est ralentir notre indispensable transition énergétique, maintenir notre dépendance aux énergies fossiles et refuser de prendre des mesures réduisant les inégalités sociales. Est-ce un hasard si, partout en Europe, l’arrivée aux pouvoirs de forces populistes, anti-science et climatosceptiques s’accompagne d’annonces sur la volonté de relancer le nucléaire tout en réduisant les efforts sur les énergies renouvelables, les politiques de sobriété et d’efficacité ? Un changement radical du paradigme de notre société est nécessaire : l’industrie nucléaire se berce d’illusions, derrière lesquelles se cachent ses défenseurs refusant de regarder l’urgence climatique en face et de s’attaquer frontalement aux rapports de domination.
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