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Climat Libé Tour : interview
Le jeune activiste, fondateur de la première Ecole populaire du climat, évoque à l’occasion du Climat Libé Tour à Marseille son envie d’utiliser l’éducation pour «que les premiers concernés s’approprient la question» de l’écologie.
En décembre 2022, Féris Barkat a créé l’association Banlieues Climat, avec Sanaa Saitouli, Abdelaali El Badaoui et Youssef Soukouna, alias Sefyu. Presque deux ans plus tard, au 14 rue Alexandre-Bachelet à Saint-Ouen, naît la première Ecole populaire du climat en France. L’objectif : une formation aux ambitions émancipatrices pour se réapproprier la question écologique. A l’occasion du Climat Libé Tour à Marseille, l’activiste de 21 ans évoque auprès de Libé son idée de développer une écologie populaire par le biais de l’éducation.
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Comment est née Banlieues climat ?
Avec les cofondateurs, on s’est réunis autour du constat qu’on était les plus exposés aux conséquences environnementales délétères, surtout du point de vue de la santé. On l’a vu dans nos entourages respectifs, avec des cancers du sein, des tumeurs au cerveau, des diabètes. Ces maladies sont toutes liées à l’environnement, à la consommation et au mode de vie. On est aussi partis du constat que l’écologie ne nous ressemblait pas. Il y a cette tendance à intellectualiser et à surcomplexifier un sujet qui au fond se résume à manger, boire, dormir et se déplacer correctement. Alors on s’est dit qu’il fallait qu’on fasse quelque chose pour que les premiers concernés s’approprient la question.
Concrètement, que va proposer l’école ?
Lundi 21 octobre, on réunit une quinzaine de jeunes de l’asso qui viennent de toute la France. Avec un programme de six jours, on va les former à la prise de parole, à l’agriculture sur une ferme urbaine, à l’écologie décoloniale en invitant le chercheur Malcom Ferdinand, ainsi que d’autres sujets comme les violences policières. Une fois que les jeunes retournent chez eux, le but est qu’ils forment à leur tour. Qu’ils créent une antenne Banlieues climat autonome, pour monter leurs propres projets, comme à Montpellier où ils travaillent sur une sécurité sociale de l’alimentation. On va aussi aborder les questions d’alimentation responsable avec des groupes de mamans de Saint-Ouen. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’on forme des experts du climat, et pas seulement de l’écologie populaire.
Au fil de la journée
Pourquoi avoir choisi de créer un espace permanent propre à cette formation ?
Quand on vient de milieux «illégitimes», surtout sur les questions écologiques, il y a cette nécessité de créer notre propre espace, d’assurer notre propre écosystème. De cette manière, on tire notre légitimité de cette formation certifiante. En quelque sorte, on s’institutionnalise en gardant notre identité. Et parce qu’on a des lieux faits par nous et pour nous, on peut avoir une certaine radicalité. On a cette exigence labellisante sur le fond, et sur la forme, on vient comme on est.
Pédagogiquement, comment s’approprier l’écologie quand elle donne le sentiment d’être une préoccupation de privilégiés ?
L’intérêt se fait beaucoup sur la forme, parce qu’il y a beaucoup de barrières pour accéder au fond. Il y a un monopole du sujet qui a été mis en place par les privilégiés, et parce que ce n’est qu’eux qui sont présents sur cette question, inévitablement, ça crée des absents. Ils ont réussi à nous exclure d’un truc qu’on vit. Nous, on cherche à casser ce monopole et créer un autre discours. Pédagogiquement, il y a plusieurs moyens de s’approprier l’écologie. D’abord, la formation par les pairs. Des jeunes qui ont des parcours parfois très compliqués, qui à la base n’aiment pas l’école, se retrouvent à donner huit heures de formation à d’autres. L’identification facilite beaucoup l’apprentissage. Après, ça n’a pas toujours été si simple. Au début, on est beaucoup passés par la coercition, ils n’avaient pas le choix. Ils étaient là, devant moi à Cergy, à 8 heures du mat. On leur avait dit que c’était un tournoi de foot, et ils se retrouvent obligés d’écouter la formation. Et puis il y a eu un engouement. Parce qu’on crée cette ambiance familiale, on se retrouve tous.
Vous avez travaillé aux côtés de politiques comme François Hollande, Laurence Tubiana ou le maire de Saint-Ouen, Karim Bouamrane. Comment faire en sorte que les politiques s’intéressent à ce sujet tout en évitant une récupération ?
C’est un vrai problème. C’est important d’avoir un rapport de force avec les institutions, les politiques et les médias. Par exemple, la Fondation européenne pour le climat nous finance avec Laurence Tubiana, et ça nous permet d’être institutionnalisés. On peut avoir de l’argent pour un documentaire sur la pollution de l’air, qu’on traite comme on veut, sans qu’ils puissent influencer ce qui va sortir. On essaie aussi de sortir du remerciement constant, qui peut créer une forme de dépendance aux partenaires, ce qui est très problématique. Par exemple, à l’école de Saint-Ouen, on tient à payer un loyer, parce qu’on ne veut pas avoir d’ingérence. On essaie de s’imposer, et on y arrive parce qu’on est un collectif avant tout.
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