Un film sur le temps restant à une femme qui choisit de mourir. Un autre sur le temps qui passe à travers des images filmées au fil de l’eau à vingt ans d’intervalle. Et un dernier sur le temps qui peut s’écouler entre la disparition d’un homme et la remise de son certificat de décès à sa famille.
On évoque aujourd’hui dans « L’esprit critique », La Chambre d’à côté, de l’Espagnol Pedro Almodóvar, Les Feux sauvages du Chinois Jia Zhangke et enfin Je suis toujours là, du Brésilien Walter Salles.
« La Chambre d’à côté »
La Chambre d’à côté, le dernier long métrage du réalisateur espagnol Pedro Almodóvar, est son premier tourné non seulement aux États-Unis, mais aussi en anglais, même s’il avait déjà réalisé deux courts métrages dans cette langue, mettant déjà en scène l’actrice Tilda Swinton.
La Chambre d’à côté est aussi une histoire de retrouvailles après un long éloignement, mais dans des circonstances particulières, puisque Tilda Swinton, reportrice de guerre atteinte d’un cancer en phase terminale, retrouve son amie romancière incarnée par Julianne Moore, qui lui demande de l’accompagner dans une maison reculée dans une forêt pour rester dans la « chambre d’à côté » pendant qu’elle absorbe une pilule d’euthanasie.
Le réalisateur de Parle avec elle, Talons aiguilles ou Tout sur ma mère a obtenu le Lion d’or lors de la dernière Mostra de Venise avec cette « chambre d’à côté », adaptée du roman phare de l’écrivaine américaine Sigrid Nunez, intitulé Quel est donc ton tourment ?.
« Les Feux sauvages »
Les Feux sauvages est le titre du dernier long métrage du réalisateur chinois Jia Zhangke. Difficile de raconter l’intrigue de ce film de montage, quasiment sans dialogue, même si l’on peut dire que l’on suit une femme, Qiao, depuis le début des années 2000 jusqu’à aujourd’hui.
Pendant toute la seconde partie du film, cette femme recherche un homme baptisé Bin qui l’a quittée pour partir faire fortune ailleurs. Elle part à sa poursuite le long du fleuve Yangtsé, jusque dans les villes que la construction du barrage des Trois-Gorges vide et détruit les unes après les autres.
Le film, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, entrecroise des images de ses propres films et d’autres tournées au fil de l’eau en 2001, 2006 et 2023, dans lesquelles Jia Zhangke faisait intervenir sa comédienne fétiche Zhao Tao, images ensuite montées par le réalisateur pendant le confinement selon un scénario écrit donc après coup.
S’y donnent à voir à la fois le passage du temps sur les visages des personnages et quelques scansions de l’histoire chinoise, notamment les Jeux olympiques de Pékin de 2008 et la transformation à marche forcée des campagnes du pays.
Le film débute dans un préfabriqué où des ouvrières se réchauffent en chantant, prémisse à une errance où la caméra s’immerge dans de nombreux autres lieux de fête : bals populaires, cabarets, boîtes de nuit…
« Je suis toujours là »
Je suis toujours là est le titre choisi par Walter Salles pour son dernier long métrage, en prenant le risque d’un mauvais jeu de mots puisque le cinéaste brésilien avait lui-même quelque peu disparu des écrans après le succès de Central do Brasil en 1998 et son adaptation relativement ratée du roman de Jack Kerouac, Sur la route, il y a déjà plus d’une décennie.
Mais le sujet du film ne prête ni à rire ni à sourire, puisqu’il revient sur la dictature militaire qui domina le Brésil de 1964 à 1985. Elle retrace l’histoire vraie de Rubens Paiva, un ingénieur et ancien député de gauche, arrêté en 1971 et disparu depuis cette date en raison de sa résistance pacifique à cette dictature militaire.
Le film arrive en France après un grand succès public au Brésil, probablement pas sans lien avec le fait que dans ce pays, contrairement au Chili ou à l’Argentine, les responsables des disparitions et des meurtres n’ont jamais été inquiétés, et que la mémoire de la dictature a été enfouie, avant d’être ravivée par certains de ses thuriféraires, à l’instar de l’ex-président Jair Bolsonaro.
Avec :
- Alice Leroy, qui écrit pour les Cahiers du Cinéma et Panthère Première
- Salima Tenfiche, maîtresse de conférences à l’université Sorbonne-Nouvelle
- Occitane Lacurie, membre du comité de rédaction de la revue de cinéma Débordements, doctorante en esthétique et études visuelles.
« L’esprit critique » est enregistré par les équipes de Gong et réalisé par Karen Beun
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