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Au milieu des montagnes de gravats, sur un chemin de terre sinueux, des Palestiniens épuisés avancent en file indienne. Pour la première fois depuis des mois, ils retournent vers ce qu’il reste de leur foyer, à la recherche d’objets laissés derrière eux lors de leur fuite ou des corps de leurs proches enfouis sous les décombres. A pied ou sur des charrettes tirées par des ânes, ces déplacés ont vite perdu tout espoir en découvrant l’ampleur des destructions.
Les images de drone prises à Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, révèlent une dévastation totale. Dans cette ville pilonnée sans relâche par l’armée israélienne, il ne reste que des amas de béton, des rues jonchées de débris et quelques rares immeubles éventrés encore debout. Des habitants, désorientés, ont même été incapables de retrouver l’emplacement de leur maison, complètement pulvérisée par les bombes. Selon la défense civile palestinienne, des dizaines de corps ont été retrouvés dans l’enclave au cours des trois derniers jours, et plus de 10 000 victimes seraient toujours ensevelies sous les décombres.
Reconstruire ce qui peut l’être
Dès l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, dimanche 19 janvier en fin de matinée, les Gazaouis ont pu vivre leurs premiers moments de répit, sans craindre les bombardements aveugles ni les tirs de snipers israéliens. Ce calme a été d’autant plus précieux que les dernières heures précédant la trêve ont été particulièrement violentes : une vingtaine de personnes ont perdu la vie dans des frappes israéliennes entre 8 h 30 et 11 h 30 – heure du début de la trêve. Lorsque les armes se sont enfin tues, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont quitté les vastes camps de déplacés où ils vivaient dans des conditions déplorables, emportant quelques affaires dans l’espoir de retrouver leur ville d’origine.
Les plus chanceux ont pu sauver quelques vestiges de leur vie passée : une carte d’identité, quelques livres ou un cartable d’école. Les plus déterminés ont de leur côté choisi d’installer leur tente sur les trottoirs voisins de leur logement inhabitable, décidés à reconstruire ce qui pouvait encore l’être. L’ONU estime que plus de 60 % des bâtiments ont été détruits par les bombardements depuis le début de la guerre. «Les gens ont besoin de tout : de tentes, d’abris, de matelas… L’ampleur des destructions dépasse l’imagination», témoigne Loai, réfugié à Deir-el-Balah, qui envisage de repartir vers la partie septentrionale de l’enclave, d’où il est originaire, lors de la deuxième semaine du cessez-le-feu. Jusqu’à présent, l’armée israélienne, qui reste stationnée dans plusieurs zones spécifiques de la bande de Gaza, interdit les déplacements du sud au nord via le corridor de Netzarim, une route de sept kilomètres traversant le territoire palestinien.
L’accord conclu entre le Hamas et Israël a néanmoins permis l’acheminement d’une aide humanitaire massive. Au premier jour du cessez-le-feu, plus de 630 camions ont pu pénétrer dans l’enclave, dont la moitié dans les régions du nord, au bord de la famine. Le nombre de camions, transportant des produits alimentaires (œufs, riz, farine…), de l’eau et des médicaments, a atteint 915 ce mardi 21 janvier, soit 300 de plus que ce qui était prévu dans l’accord. L’ONU assure qu’aucun convoi n’a été attaqué et pillé au cours des derniers jours. «Cette amélioration significative montre que tout est une question de volonté politique, estime Juliette Touma, directrice de la communication de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens. Nous sommes revenus au système qui existait avant la guerre.» L’abondance de denrées après des mois de pénuries et de restrictions a entraîné une baisse significative des prix. Des produits autrefois introuvables, tels que les fruits et les légumes, ont également fait leur retour sur certains marchés.
Assistance médicale
Les organisations humanitaires continuent néanmoins de faire face à de nombreux défis, à commencer par le rétablissement du système de santé. Alors que seule la moitié des 36 hôpitaux du territoire restent partiellement opérationnels, l’immense majorité des Gazaouis ont besoin d’une assistance médicale. Les autorités de Gaza estiment à plus de deux millions le nombre de maladies infectieuses survenues en raison des déplacements et à plus de 12 000 celui des patients atteints de cancer en besoin urgent de traitement. Les risques liés à la contamination par des munitions non explosées sont par ailleurs très élevés.
L’inquiétude concernant la pérennité du cessez-le-feu est également présente. «Le retour du Hamas au sein des administrations de Gaza ainsi que la fragilité croissante de la coalition de Benyamin Nétanyahou [Premier ministre israélien, ndlr] laissent penser qu’une fois les derniers otages libérés, la guerre pourrait reprendre, déplore Alexandre Chatillon, à la tête l’ONG française Super-Novae, qui fournit un soutien psychologique aux femmes de la bande de Gaza et offre des espaces d’apprentissage pour les enfants. La confiance est donc mesurée.»
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Une autre tâche s’annonce titanesque : la reconstruction du territoire palestinien confronté à un niveau de destructions «sans précédent dans l’histoire récente», selon l’ONU, qui estime à quelque 80 milliards de dollars (77 milliards d’euros) le montant des dégâts. A lui seul, le déblaiement de plus de 50 millions de tonnes de gravats pourrait prendre vingt et un ans et coûter jusqu’à 1,2 milliard de dollars (1,15 milliard d’euros). La remise sur pied du système de santé pourrait de son côté atteindre les 10 milliards de dollars (9,5 milliards d’euros). Bien que très affaibli par quinze mois de guerre, le Hamas assure que «Gaza, avec son grand peuple et son inébranlable volonté, se relèvera pour reconstruire» ce que les bombardements israéliens ont détruit.
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