Démission de Camille Chaize du porte-parolat du ministère de l’Intérieur après avoir publié un livre : «Une sortie de son devoir de réserve assez spectaculaire»

Démission de Camille Chaize du porte-parolat du ministère de l’Intérieur après avoir publié un livre : «Une sortie de son devoir de réserve assez spectaculaire»

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«Et si finalement tout se terminait par un livre ?» A cette question qu’elle pose dans les dernières pages de son ouvrage Porte-Parole : réflexions personnelles de la voix officielle du ministère de l’Intérieur (éditions Novice), la commissaire de police nationale Camille Chaize a répondu par le geste. Lundi 20 janvier, elle écrit sur le réseau social professionnel LinkedIn : «À l’heure où s’apprête à sortir ce livre qui me ressemble tant, je dois, vous le comprendrez aisément, mettre fin à la mission de porte-parole du ministère de l’Intérieur qui m’a été confiée en décembre 2019.»

Dans un article paru en ligne ce mardi, Le Canard Enchaîné assure que ce sont «des syndicats de police très droitiers [Alliance Police nationale, ndlr] et le Rassemblement national [qui] ont obtenu la tête de la porte-parole.» Aucune de ces deux entités ne nous a pour l’heure répondu.

«Je ne sais pas s’il y a eu de telles pressions, je ne peux pas vous le confirmer», fait toutefois savoir à Libération la principale intéressée. Le cabinet du ministère de l’Intérieur dément, au moins partiellement : «Le RN ne nous a pas écrit de lettre [contrairement à ce qu’affirme Le Canard, ndlr], on s’est renseigné et on n’a rien trouvé.» La même source précise que Camille Chaize, sachant qu’«elle était sortie de son devoir de réserve de façon assez spectaculaire» dans son livre, a elle-même «convenu que ce n’était pas possible de rester porte-parole», et a donc démissionné formellement de ce poste ce mardi. Le cabinet indique toutefois qu’elle reste actuellement à la direction de la communication du ministère.

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Dans son ouvrage, l’ex-porte-parole du ministère évoque nommément Alliance, déplorant par exemple que le syndicat l’ait visée dans un tract parce qu’elle avait publiquement condamné le comportement d’un policier (qui avait insulté une victime de violences sexuelles). «Certains peuvent penser que défendre l’indéfendable rend service à leur profession. C’est toujours perturbant de savoir que des policiers, des membres de votre maison critiquent, réprouvent ou sont en désaccord avec votre vision. Et que, face aux critiques, ils refusent de voir les faits, ou qu’ils les voient mais qu’ils préfèrent adopter une posture corporatiste et éviter toute remise en question. La réalité a tort, c’est bien connu», cingle la commissaire. Plus loin, Camille Chaize déplore «le discours pyromane de certains syndicats de police déconnectés de la réalité sociétale [qui] renforce les incompréhensions de la population».

«Si l’administration choisit d’être faible…»

Questionnant également le pouvoir des organisations professionnelles au ministère de l’Intérieur, la commissaire décale la focale : «Ce qui doit nous questionner, c’est surtout le pouvoir que l’administration a décidé de leur laisser, et pas seulement sur le terrain de la communication. […] Si l’administration choisit d’être faible et de ne pas fixer des lignes infranchissables, nous en paierons tous les conséquences.»

Elle prend ensuite l’exemple, sans le nommer, de Matthieu Valet, syndicaliste commissaire devenu eurodéputé du Rassemblement national : «On peut l’invectiver ou le cibler. Mais il faut surtout se demander qui a accepté que, durant de très longs mois, il puisse courir les plateaux de télévision en dénonçant à chaque fait divers, la voyoucratie”, l’incompétence de la justice ou l’immigration rampante, outrepassant le périmètre de son mandat électif. J’en veux aux hauts responsables qui ont accepté tacitement de laisser faire ce policier syndicaliste. Certains estiment qu’il est dans leur intérêt d’agiter les extrêmes et d’acclimater les citoyens à ces discours. J’y vois plutôt une grossière manipulation politique, l’instrumentalisation d’une profession, la quête de rapports de force plus radicaux, au détriment de la cohésion nationale de la neutralité du service public.»

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Enfin, Camille Chaize raconte avoir été profondément alarmée et éprouvée, l’été dernier, par la menace d’accession au pouvoir du Rassemblement national, signe que «le poison lent de l’extrême droite identitaire et ses idées les plus radicales ont infusé les débats, irrigué la société». Craignant de la part du parti d’extrême droite la «mise en œuvre de politiques d’exclusion, de suppression de libertés ou d’affaiblissement des contre-pouvoirs qui mettraient en danger l’Etat de droit», la commissaire rapporte cette pensée qui l’anime alors : «Je vais devoir démissionner si nous avons un gouvernement diamétralement opposé à mes valeurs et mes principes.»

Et l’autrice de s’interroger, dans les ultimes lignes de Porte-Parole : «Comment soigner un minimum ma sortie, comme au théâtre ? Savoir tourner la page, sans la déchirer ? C’est la fin qui souvent décide de la postérité, alors mieux vaut ne pas la rater. J’ai envie de laisser une petite trace derrière moi, de participer jusqu’au bout au changement et pas seulement dans l’actualité, mais dans la structure même de mon institution. Un testament.» Ou une épitaphe ?

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