Documentaire sur les viols de l’abbé Pierre : BFM utilise un Airbnb sans l’accord de sa propriétaire

Documentaire sur les viols de l’abbé Pierre : BFM utilise un Airbnb sans l’accord de sa propriétaire

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En zappant sur BFMTV dimanche 17 janvier, Karine ne s’attendait certainement pas à voir son «studio cosy et élégant» de Montreuil transformé en un lieu d’agissements sordides. A l’antenne ce jour-là, un long format de l’émission Ligne rouge, consacré à l’abbé Pierre. Le reportage, qui revient sur les «cinquante ans d’impunité» dont a bénéficié le prêtre décédé, désormais visé par 33 accusations de violences sexuelles, parcourt en détail les rouages du scandale. «L’affaire m’intéresse, je décide de regarder», dit Karine. A l‘écran, le témoignage poignant d’Eva décrit comment l’abbé Pierre emmenait sa mère, victime, dans un appartement parisien, afin de commettre sur elle des agressions et des viols.

«Et là, tout à coup, je vois une bibliothèque qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la mienne, s’exclame Karine. Puis je vois mon dessus-de-lit, ma chambre. C’est mon appartement ! Je me dis “C’est quoi ce délire ?”»

Bibliothèque et crucifix

La séquence commence à 21 h 18, un quart d’heure après le début de l’émission. On entend donc Eva décrire les violences subies par sa mère, 33 ans à l’époque, de la part de l’abbé Pierre, âgé de 77 ans. Un plan d’illustration sur des façades d’immeubles parisiens, la nuit, accompagne ce commentaire en voix off : «Ce qui intrigue également Eva, c’est cet appartement parisien dans lequel l’Abbé Pierre conduit sa mère, en contrepartie de faveurs sexuelles.» A l’écran, apparaît immédiatement après un plan du studio de Karine, où l’on voit une bibliothèque, un lit, une table de chevet. Au fond, une kitchenette et au premier plan, une table et une chaise. Puis est montré un plan serré sur le lit. Le témoignage d’Eva reprend : «Ça sous-entend aussi qu’il l’amenait dans un appartement pour lui dire “voilà, j’ai la clé de cet appartement, on y va, tu vas voir, c’est un endroit bien pour toi” et puis au final, c’était un lieu d’agressions.»

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S’ensuit l’image d’un crucifix, qui n’appartient pas à Karine et ne figure pas dans son appartement, puis une archive de l’abbé Pierre qui marche, dehors. Le témoignage d’Eva se poursuit : «C’est un appartement qui appartient soit à Henri Grouès, soit au réseau Emmaüs qu’il avait créé.» A nouveau apparaît l’appartement de Montreuil, avec un plan sur le couvre-lit et un fondu sur la photo d’une femme au visage flouté à côté de l’abbé Pierre. Eva, en voix off : «Elle semble avoir été prise au piège complètement d’un système bien rodé et dont elle ne pouvait pas s’échapper facilement.» Tout au long de cette séquence, il n’est pas fait mention d’images d’illustration, ou de reconstitution.

«J’ai trouvé ça bizarre»

Ce studio, Karine en est propriétaire et le met en location sur la plateforme Airbnb depuis plusieurs mois. Le lieu est aisément reconnaissable d’après les images disponibles dans l’annonce. Néanmoins, quelques détails différents entre les visuels de l’annonce et les images diffusées par BFMTV laissent à penser qu’un tournage aurait été effectué sur place. De fait, mi-décembre, le studio est réservé par une chargée de production de la chaîne d’info – sans qu’elle ne se présente comme telle, d’après Karine. Le jour de la réservation, un homme seul passe à l’appartement et reste peu de temps. «Sur le moment, j’ai trouvé ça bizarre, maintenant je comprends mieux», relate la propriétaire, qui assure n’avoir été prévenue, à aucun moment, qu’un tournage se déroulerait chez elle.

Sur le site d’Airbnb, il est indiqué dans les règles de base pour les voyageurs, que ceux-ci «ne doivent pas organiser ou participer à des tournages ou séances photo à des fins commerciales ou lucratives, sans l’autorisation écrite de l’hôte». Contacté par CheckNews, Airbnb n’a pas encore indiqué si le tournage d’un documentaire rentrait dans cette catégorie.

Le droit à l’image des biens fait l’objet d’une jurisprudence, après un arrêt de la Cour de cassation en date du 7 mai 2004. Dépassant la notion de propriété privée, l’arrêt établit que «le propriétaire d’une chose [en l’occurrence la façade d’un immeuble dans l’arrêt de la cour de cassation, ndlr], qui ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci, ne peut s’opposer à l’utilisation du cliché par un tiers que si elle lui cause un trouble anormal». Reste au propriétaire de prouver qu’il a subi ce trouble anormal à la suite de la diffusion des images de son bien. Estimant de son côté que cette séquence «diminue son bien», Karine a déposé une main courante au commissariat de Montreuil le 18 janvier, puis une plainte ce jeudi 23 janvier contre BFMTV pour des faits «d’utilisation frauduleuse d’images privées». Elle assure avoir également saisi l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel.

La chaîne, sollicitée par CheckNews, défend cette pratique, indiquant que «l’appartement en question n’est absolument pas identifiable. Il s’agit d’images d’illustration sans personnage, très rapides et peu nombreuses. Aucune adresse de l’appartement n’est reconnaissable. L’intimité de la propriétaire n’est pas dévoilée : il y a uniquement des plans serrés d’un lit et d’une étagère et aucune apparition à l’image de photos ou autres éléments d’identité».

Libération

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