Qui sont les opposants aux ZFE, qui agitent la menace de «nouveaux gilets jaunes» ?

Qui sont les opposants aux ZFE, qui agitent la menace de «nouveaux gilets jaunes» ?

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ZFE : trois lettres, deux camps, et un vivier d’opposition. Depuis la mise en place progressive de ces limitations, leurs défenseurs saluent une mesure écologique et sanitaire permettant de limiter la concentration dans l’air de particules fines néfastes pour la santé. En face, leurs détracteurs fustigent la création de «zones à forte exclusion sociale», au sein d’associations d’automobilistes, de groupes informels, avec une pincée de soutien d’élus locaux – jusqu’à certains députés. Seul point commun entre ces groupes disparates, qui interagissent peu et multiplient les pétitions et les lettres aux élus : l’urgence à revenir sur la mise en place des 30 nouvelles zones à faibles émissions (ZFE) au 1er janvier 2025.

Les zones à faibles émissions sont des territoires dans lesquels la circulation de certains véhicules est restreinte afin de réduire la pollution de l’air. Elles sont encadrées par la loi d’orientation des mobilités en 2019, renforcée ensuite par la loi climat de 2021. Jusqu’à fin décembre, on comptait 12 «territoires ZFE» dans l’Hexagone : Aix-Marseille-Provence, Nice, Toulouse, Strasbourg, Reims, Rouen, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand, Paris, Grand Lyon, Montpellier et Grenoble. Depuis le 1er janvier 2024, ces villes avaient toutes imposé des interdictions totales aux voitures non classées (voitures immatriculées avant 1997, sauf voitures de collection) et véhicules utilitaires légers non classés (immatriculés avant le 30 septembre 1997). La plupart avaient également mis en place des horaires de circulation ou des interdictions totales pour les voitures classées Crit’Air 4 et 5.

Conformément au calendrier fixé par la loi, de nouvelles obligations dans ces ZFE déjà existantes sont ensuite entrées en vigueur ce 1er janvier 2025. Mais en raison de leur mauvaise qualité de l’air, seules les métropoles de Paris et Lyon ont été contraintes de restreindre – avec de nombreuses dérogations cependant – la circulation des voitures classées Crit’Air 3.

Les autres villes ZFE, toutes soumises au même calendrier, peuvent quant à elles faire jouer la montre en raison de l’amélioration de la qualité de l’air dans leur métropole. Strasbourg a par exemple choisi de reporter la mesure à 2027. Un report qui revient sur les précédents engagements de la maire écologiste Jeanne Barseghian. Même chose à Marseille ou encore à Rouen, où les véhicules Crit’Air 3 sont encore autorisés à circuler au-delà du 1er janvier 2025.

Montpellier et Grenoble, villes elles aussi exemptées de ces restrictions, ont malgré tout voulu aller plus loin dans la réglementation de leurs ZFE. Les deux métropoles appliquent, au même titre que Paris et Lyon, l’interdiction des Crit’Air 3. Montpellier a toutefois suspendu l’installation de panneaux d’information à l’entrée de la ZFE après une pression des élus de communes de la métropole montpelliéraine, ce qui bloque de fait le contrôle par les forces de l’ordre.

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En parallèle, au 1er janvier 2025, 30 nouvelles ZFE ont été créées dans toutes les métropoles de plus de 150 000 habitants ne respectant pas les valeurs guides recommandées par l’OMS. Première étape pour ces nouvelles venues, comme Dunkerque ou Dijon : respecter la première étape de création d’une ZFE, à savoir l’exclusion des véhicules dits «non classés». Mais selon le site du gouvernement, «25 ZFE sont effectivement actives sur le territoire national» en cette fin janvier. Les autres seraient encore «en dormance», rapporte le Figaro, grâce à des dérogations liées à la qualité de l’air.

Depuis le 31 décembre 2024 et la publication d’un message sur son compte X – dans lequel il fustige ce qu’il appelle des «zones anti gueux» – l’écrivain Alexandre Jardin s’est imposé comme l’une des figures principales de l’opposition aux ZFE. Ses posts, qui décrivent cette nouvelle mesure comme «ségrégation sociale entre une France riche et une France pauvre», sont relayés par des milliers d’internautes.

Alexandre Jardin explique auprès de CheckNews s’être retrouvé «rapidement chef de file de ce mouvement de contestation qui n’est pas organisé, tout cela faute de combattant et de désertion du monde politique sur le sujet». Et si celui qui s’était déclaré candidat à l’élection présidentielle de 2017 affirme avoir échangé avec David Lisnard, président de l’association des maires de France, et Michel Fournier, président de l’Association des maires ruraux de France, deux figures «vent debout contre les ZFE», il soutient toutefois que la contestation «n’est pas organisée structurellement, comme à l’époque des gilets jaunes». «Il n’y a aucune centrale, les groupes pullulent de partout», avance-t-il.

Dans plusieurs vidéos visionnées par plus d’un demi-million d’utilisateurs sur X, le romancier notamment connu pour le Zèbre (1988) appelle à «envoyer un courrier ou un mail aux maires des villes fermées». Et de poursuivre : «Le but est de savoir quelle mairie défend la loi et qui la subit, qui est pour la ségrégation et qui est contre. Avec ça, j’espère qu’il y aura une prise de conscience et une alliance entre les Français et les élus locaux. On ne peut pas exclure de la société 20 millions de personnes.» Si ses courriers ne débouchent pas, il envisage «bien sûr» d’autres actions, car cela sera le signe «que les élus sont absolument déconnectés».

A la suite des premières publications d’Alexandre Jardin et de son utilisation du terme des «gueux», le site LesGueux.fr fait son apparition. La page internet fournit un modèle de lettre à envoyer aux maires des 42 communes, invite à se mobiliser contre les ZFE, à interpeller son maire pour «se faire entendre» et garder «sa liberté de rouler». L’écrivain réfute être en liaison avec ses fondateurs.

Même mode d’action pour le Groupe Anti ZFE, un groupe composé de 4 000 membres, essentiellement actif sur les réseaux sociaux. Ses fondateurs justifient leur opposition à cette loi destinée à protéger les populations dans les territoires denses les plus pollués au nom de «l’atteinte à l’intégrité physique, morale et financière», «la tyrannie», la «catastrophe économique» et «la mise en danger de la vie d’autrui». Si des «futures actions sont prévues», elles restent «confidentielles», disent leurs membres. Ils ajoutent : «Chacun agit de son côté, spontanément et dans le respect de toutes les formes d’actions.»

Si ces précédents groupes se mobilisent sur la question depuis début 2025, d’autres ont fait des ZFE leur cheval de bataille depuis plusieurs années. Pierre Chasseray, porte-parole de l’association 40 millions d’automobilistes, avance notamment «être sur ce dossier depuis 2019». Si son association, affirme-t-il, «mène sa barque seule», le délégué général indique qu’il aurait préféré que les récentes personnalités qui se sont emparées du sujet lui apportent directement son soutien, «afin de ne pas lancer plusieurs mouvements disparates». Allusion à Alexandre Jardin.

Pour Pierre Chasseray, le problème principal des ZFE réside dans les dispositions des vignettes Crit’Air. Elles permettent de classer les véhicules en fonction de leurs émissions polluantes en particules fines et oxydes d’azote grâce à l’année de production du véhicule et le type de carburant utilisé. Mais selon le porte-parole de l’association d’automobilistes, des incohérences existent : «Certaines voitures plus récentes pourront être autorisées à circuler, alors qu’elles émettent beaucoup plus de particules fines que des véhicules plus anciens.» Lui propose alors une réécriture du mécanisme des ZFE, dans lequel «le contrôle technique serait le seul gage des émissions polluantes réelles d’une voiture».

Au-delà d’une pétition en ligne, il avance que son «angle d’action est avant tout politique». «Ma volonté est d’abroger les ZFE avant la fin de l’année, en passant par l’Assemblée nationale, via le dépôt d’une proposition de loi», explique-t-il, tout en précisant avoir déjà mobilisé plusieurs parlementaires.

En outre, la Ligue de défense des conducteurs, association d’un million de sympathisants, déclare elle aussi s’opposer depuis 2018 aux ZFE, en optant davantage pour «leur report» plutôt que leur suppression. Dans une enquête sortie en 2021 et intitulée «ZFE, la grande cacophonie», l’association dénonce une mesure «d’injustice sociale» et une «ostracisation des automobilistes sans alternative», rappelle Alexandra Legendre, porte-parole de l’association.

Elle poursuit : «Jusqu’à maintenant, on avait du mal à mobiliser nos sympathisants puisqu’il n’y avait pas de sanctions. Mais aujourd’hui, et alors que la menace des PV devient bien réelle, on reçoit des coups de fil de personnes qui ne comprennent pas cette mesure. Ils ne comprennent pas pourquoi leur véhicule passe au contrôle technique mais pas dans les ZFE, ne comprennent pas s’ils seront toujours assurés dans ces zones.» Tandis qu’une pétition disponible en ligne réunit aujourd’hui plus de 260 000 signatures, Alexandra Legendre explique «ne pas exclure des coups d’éclat à l’avenir».

Côté politique aussi, les ZFE n’échappent aux critiques. En 2022, le Rassemblement national s’attaquait déjà à «cette mesure liberticide et socialement injuste impacterait 7 véhicules sur 10» en déposant une proposition de loi pour supprimer les «zones à faibles émissions», désignées comme des «injonctions de l’Union européenne». Dans le but de séduire les automobilistes, le parti d’extrême droite avait accompagné cette proposition d’une baisse de la TVA sur le carburant ou d’un report de la fin des véhicules thermiques lors des élections législatives 2024.

La mise en place des ZFE est également dénoncée par La France insoumise au niveau national depuis 2022, mais sur d’autres motifs. Le parti exige un «moratoire» sur les ZFE «dans leur forme actuelle», en raison de «leur injustice sociale», explique Sylvain Carrière, député LFI de la 8e circonscription de l’Hérault. L’élu est à l’initiative d’une proposition de loi déposée en juin 2023 pour «conditionner les ZFE à des offres alternatives en transports en commun satisfaisantes». Son intention était aussi de revoir les critères des vignettes Crit’Air et d’y intégrer le poids et l’âge du véhicule, mais aussi d’harmoniser les – très nombreuses – dérogations sur le plan national. Sylvain Carrière annonce auprès de CheckNews «vouloir réactualiser cette proposition de loi dans les semaines à venir» et la redéposer rapidement pour examen à l’Assemblée nationale. «Mettre en place cette loi, c’est créer des gilets jaunes bis, une vraie bombe sociale», alerte-t-il.

En plus d’une pétition, les insoumis se mobilisent sur le terrain. A Lyon, l’une des 4 villes en France concernées par le Crit’Air 3, le parti a organisé une manifestation devant la Métropole de Lyon lundi 27 janvier, réunissant une centaine de personnes. Le député LFI de Villeurbanne Gabriel Amard soutient alors que «ce qui est fait à Lyon n’est pas différent de ce qui est fait sur le territoire national». Cette bataille est «menée de longue date par LFI et on ne souhaite pas transiger, comme le savent nos partenaires écologistes», conclut-il. Idir Boumertit, député LFI de la 14e circonscription du Rhône, exhorte lui «à faire la même chose qu’à Montpellier», c’est-à-dire à «contourner l’application de la loi en ne mettant pas en place les panneaux à l’entrée des ZFE, pour éviter que les forces de l’ordre sanctionnent».

Si les opposants sont présents au niveau national, la gronde monte également au niveau local, comme en atteste Michel Fournier, président de l’Association des maires ruraux de France. «Lorsqu’on limite la circulation dans certaines zones à des personnes qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule pour en acheter un plus récent, il s’agit d’une atteinte à la liberté totale. On se situe au point de départ d’une contestation qui ressemble à celle des gilets jaunes», anticipe-t-il. Le maire des Voivres (Vosges) assure que s’il y a «mobilisation», celle-ci sera «menée à [son] échelon, et en concertation avec les autres maires».

Aussi, pour David Lisnard, président de l’Association des Maires de France, les ZFE sont trois lettres qui marquent «les discriminations sociales que génère au nom du bien la caste des politi-technocrates étatistes».

Enfin, la lutte contre les ZFE se construit au niveau juridique. L’Association de défense des libertés fondamentales – notamment engagée contre le pass JO 2024 ou l’obligation de vaccination Covid pour les soignants – a déposé un recours pour «excès de pouvoir» devant le tribunal administratif de Montpellier, après l’entrée en vigueur d’une ZFE dans l’agglomération au 1er janvier 2025.

Me David Guyon, qui représente l’association, soutient que ce recours repose sur «une dizaine d’arguments juridiques». Dont «une rupture d’égalité pour motif économique», une «rupture d’égalité pour motif professionnelle», ou encore sur «l’atteinte au droit de propriété». «Si on obtient gain de cause, nous allons faire tomber les modalités d’application de la ZFE, ce qui obligera la ville à en changer les contours», souligne l’avocat. J’ai récemment été contacté par d’autres associations qui veulent mener le même combat juridique, notamment à Grenoble et à Paris. Il y aura des répliques.»

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