Un tour de chauffe, avant d’entrer dans le dur. Lundi 21 octobre au soir dans l’hémicycle, les députés ont commencé à débattre du projet de loi de finances pour 2025. Une heure plus tôt, le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a renoncé à une mesure qui faisait l’unanimité contre elle : il a annoncé que les petites retraites seraient épargnées par le gel des pensions prévu au premier semestre. Une occasion de moins de perdre un vote.
Défilant à la tribune pour la discussion générale, étape obligée avant d’éplucher les 3 500 amendements déposés sur le texte, les représentants de chaque groupe ont campé sur leurs positions. Le ministre de l’Economie, Antoine Armand, a ouvert le bal en plantant une situation financière «très préoccupante», justifiant un budget prévoyant des efforts de 60 milliards d’euros, dont 20 de nouvelles recettes fiscales, afin de ramener le déficit à 5% du PIB en 2025 contre 6,1% prévus en 2024. «Nous devons partager un objectif nécessaire, celui du redressement des comptes publics», a plaidé le ministre, réfutant au passage toute «austérité». «Chacun devra prendre sa part», a-t-il ajouté, jugeant la copie du gouvernement «perfectible».
Après la profonde modification de son texte en commission, lesté de taxes supplémentaires et qui a finalement été rejeté samedi 19 octobre, le gouvernement a veillé à l’équilibre de son budget, entre baisse des dépenses et hausses d’impôts. «Ce budget doit d’abord reposer sur des baisses de dépenses», a martelé Antoine Armand, alors que les députés avaient voté des amendements en commission, chiffrés à 50 milliards de recettes supplémentaires par Eric Coquerel, le président (LFI) de la commission des finances.
«Matraquage fiscal»
«Ce serait le tour de vis fiscal le plus brutal dans l’histoire de notre pays», s’est offusqué Laurent Saint-Martin, menaçant les oppositions : «Si le chemin que vous nous proposez est celui du matraquage fiscal, ne comptez pas sur le gouvernement pour le cautionnez.» En commission, les députés de tous bords ont voté une série de nouvelles taxes, sur les superprofits, les superdividendes, les rachats d’actions ou les entreprises de transport maritime. «Derrière chaque taxe supplémentaire, ce sont les Français que vous visez», a déploré Laurent Saint-Martin, lâchant quelques formules, du style : «Nos contribuables ne sont pas un porte-monnaie en libre-service.» Devant les députés, le ministre a rappelé la doctrine du gouvernement : «Pour un euro de recette supplémentaire, deux euros d’économies.» Les hausses d’impôts seront aussi «ciblées» et «temporaires», a-t-il martelé. La pilule est difficile à avaler pour les macronistes, cramponnés au dogme des baisses d’impôts depuis 2017.
Les insoumis, eux, avaient prévu de défendre une motion de rejet à l’entame des débats, avant d’y renoncer quelques minutes avant le début de la séance pour ne pas ralentir l’examen du projet de loi. «On souhaitait l’utiliser parce que c’est un temps de parole supplémentaire pour analyser le budget du gouvernement, mais force est de constater que c’est compliqué à expliquer», a déclaré à BFMTV le président de la commission des finances, le député LFI Eric Coquerel, juste avant d’entrer dans l’hémicycle. «On voulait la déposer pour ça, mais en réalité on ne voulait pas qu’elle soit votée. Donc on a préféré carrément la retirer, c’est plus simple.»
La gauche a surtout tenté de faire la démonstration d’un budget alternatif possible. Comprendre : celui élaboré en commission des finances avec l’appui d’autres groupes, le fruit de coalitions baroques entre le Nouveau Front populaire et des alliés du «socle commun» du Premier ministre, comme le Modem ou même parfois Les Républicains. «Si le Premier ministre veut coconstruire le budget, qu’il prenne en compte les votes de ma commission au lieu de finalement promettre un 49.3 en cas de blocage», a ainsi exhorté Eric Coquerel. L’élu LFI de Seine-Saint-Denis a défendu la copie remaniée par les commissaires aux finances, assurant préférer «prendre dans les poches pleines de quelques-uns que dans celles de la grande majorité des Français». Et de lancer aux deux trentenaires de Bercy, conscient que les alliances trouvées en commission ne seront pas forcément les mêmes dans l’hémicycle : «Notre carnaval fiscal, ça s’appelle la justice fiscale et sociale, et nous la revendiquons.»
«Vous êtes une arnaque sociale !»
La députée (LFI) du Puy-de-Dôme Marianne Maximi a par exemple défendu le caractère permanent de la contribution réclamée aux ménages les plus fortunés, prévue dans le PLF. «Il est temps que le ruissellement s’inverse», a-t-elle lancé, avant de cibler le RN, qui a voté contre plusieurs mesures fiscales de la gauche en commission, comme le retour de l’ISF : «Vous êtes une arnaque sociale !» La séance s’est terminée à minuit pile, juste avant le passage prévu de Marine Le Pen, qui s’exprimera au nom de son groupe mardi après-midi, à la reprise des débats.
La députée écologiste Eva Sas a pointé de son côté la menace de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, qui permet un vote d’ensemble sur le texte du gouvernement en coupant court au débat. Une solution à laquelle le gouvernement devrait recourir dans les prochains jours, faute de pouvoir compter sur une majorité de députés pour voter son budget. «Nous ne pouvons accepter un nouveau 49.3 qui viendrait piétiner nos droits», a également menacé Philippe Brun, député socialiste. Les composantes du NFP ont déjà prévu de déposer une motion de censure en réponse au 49.3. Alors que chaque camp voudra décrocher des victoires, même symboliques, ces prochains jours, le gouvernement assure pour l’heure vouloir laisser le temps aux députés de débattre. «Je souhaite que nous trouvions un chemin pour ce budget. Refuser le débat serait une faute morale et politique», a affirmé Laurent Saint-Martin. Le rapporteur général du budget, le centriste Charles de Courson, a pourtant fait remarquer que les députés n’auront jamais le temps d’examiner l’ensemble des amendements d’ici à ce week-end, avant le vote solennel prévu sur la première partie du PLF mardi 29 octobre. Une date de principe, puisque malgré les dénégations de ses ministres, toute l’Assemblée s’attend à ce que Michel Barnier dégaine d’ici là le 49.3.
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