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Un avantage fiscal solidement arrimé aux armateurs français et européens et qu’il n’est pas question de débarquer lors d’un débat budgétaire. Le dispositif était relativement méconnu jusqu’à ce que les bénéfices des transporteurs maritimes flambent pendant la période de crise sanitaire. En 2021 et 2022, le prix d’un conteneur transporté entre l’Europe et l’Asie a pu être multiplié par dix. A ce moment-là, les parlementaires se sont penchés d’un peu plus près sur l’article 209-0B du code général des impôts. Il prévoit que les compagnies maritimes ne sont pas, comme les autres entreprises, imposées sur leurs bénéfices via l’impôt sur les sociétés dont le taux est de 25 %. Elles paient une contribution forfaitaire sur le nombre de tonnes transportées à bord de leurs navires. Et cette taxe est dégressive en fonction du tonnage transporté. En clair, plus un armateur développe une activité importante, moins son imposition sera élevée. Une condition est toutefois requise : avoir 25 % des bateaux immatriculés dans un Etat de l’Union européenne. C’est en effet un des arguments mis en avant par Armateurs de France, le syndicat professionnel des transporteurs maritimes qui regroupe 60 entreprises et 1 200 bateaux exploités. En contrepartie de cet avantage fiscal, les entreprises françaises mais aussi européennes limitent la délocalisation de leurs navires. Exploiter un bateau sous un pavillon de complaisance comme les Philippines permet de réduire drastiquement les salaires versés aux équipages. «Ce statut fiscal suppose deux autres contreparties : que les entreprises concernées aient leur siège social en France et que les personnels sédentaires travaillent sous contrat français», précise Laurent Martens, délégué général d’Armateurs de France.
Toute la question est, en ces temps de recherche de ressources budgétaires nouvelles, de savoir combien coûte cette niche fiscale. En clair, quel est le manque à gagner pour les recettes de l’Etat, comparé à une imposition classique sur les bénéfices ? Libération a posé la question au ministère des Comptes publics… sans succès. Pourtant l’Inspection générale des finances, un des services de Bercy, s’est penchée sur la question, mais ses travaux restent réservés à un nombre limité de lecteurs. Selon les estimations de la Cour des comptes, cette niche fiscale a été le troisième dispositif fiscal le plus coûteux en 2022 et 2023 pour les finances publiques, sur les 476 dispositifs d’exonérations en vigueur en France. Elle aurait coûté 5,76 milliards d’euros de manque à gagner en 2023 et 3,8 milliards en 2022. Deux années durant lesquelles les armateurs ont affiché des bénéfices sans précédents. Ainsi, le numéro 1 français CMA-CGM a dégagé un profit net de 3,6 milliards de dollars en 2023 et 24,8 milliards en 2022. Lors du débat budgétaire, le député socialiste de l’Eure Philippe Brun a proposé de plafonner l’avantage de cette niche fiscale à 500 millions d’euros. Il n’a pas été suivi par le Sénat, ni par la commission mixte paritaire qui a entériné la loi de finances. Le Parlement a finalement opté pour une solution plus douce : les transporteurs s’acquitteront comme les autres grandes entreprises de la contribution exceptionnelle sur les profits. Ce qui ne concerne qu’un seul des 60 armateurs français, le premier d’entre eux.
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