A la Comédie-Française, «le Suicidé» tombe à plat

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Vaudeville

Mise en scène par Stéphane Varupenne, la pièce Nicolaï Erdman censurée en 1930 dresse le portrait d’une société stalinienne qui avait toutes les raisons de se supprimer. Trop caricatural.

Le rideau s’ouvre sur un plateau bourré à craquer du sol au plafond, un appartement communautaire soviétique à l’avant-scène pour un cadre de jeu réduit ; deux heures vingt plus tard, le rideau retombera sur un espace nu plongé dans le noir. C’est ça l’histoire fortement scénographiée – par Eric Ruf – du Suicidé mis en scène par Stéphane Varupenne : une scène qui se vide au fil des actes, à l’image de ses personnages bouffés par leur caricature, une humanité réduite à l’état de pantins.

Le Suicidé, pièce russe maudite de Nicolaï Erdman censurée en 1930 par l’Etat qui avait bien compris la charge politique du jeu de massacre, tourne autour d’un déclassé : Sémione, chômeur qui vit mal aux crochets de sa femme avec sa belle-mère, et se rêve en joueur de trombone pour enfin gagner sa vie et retrouver sa place d’homme. Echec. Alors que vaut son existence ? Faudrait-il en finir ? Sémione candidat au suicide ?

Violence burlesque et humour désespéré

C’est bien ce que vont fantasmer les autres, familles, voisins, jusqu’à mettre en place une chasse au mort encore vivant, chacun cherchant à rentabiliser le geste fatal pour défendre sa cause. Intellectuel, boucher, artiste, prêtre, bourgeoise… revendiquent le suicide programmé avec leur cahier de doléances : violence sociale, mépris de classe, valeurs piétinées, illusions perdues, déficit spirituel. La pièce dresse le portrait d’une société stalinienne qui avait toutes les raisons de se supprimer, avec Sémione – formidable Jérémy Lopez – en héros malgré lui ; celui qui doit mourir pour les autres.

Le texte d’Erdman est fou, un piège de fausses pistes, une esthétique pathologique de la contradiction. Violence burlesque, humour désespéré, délire vaudevillesque, réquisitoire ridicule, tout se suicide dans une absurdité qui ne dit pas que rien n’a de sens, mais que tout en a trop, jusqu’à s’y perdre. Stéphane Varupenne, lui, a choisi un chemin : mécanique de la caricature. Mais sa direction d’acteurs force le trait, et en cela dévitalise le rire de la comédie, neutralise l’effroi du grotesque et nous garde à distance.

Le Suicidé, mise en scène de Stéphane Varupenne, à la Comédie-Française jusqu’au 2 février.

Libération

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