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Les méthaniers n’ont jamais été aussi nombreux à stationner dans les ports français. La France a augmenté de 81 % ses importations de GNL en provenance de Russie entre 2023 et 2024. Au total, l’Hexagone, un des pays européens les mieux dotés en terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL), a versé 2,68 milliards d’euros à Moscou en l’espace d‘un an, selon un rapport de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (Ieffa) publié ce mardi 18 février.
Si la France pèse autant dans les importations européennes de GNL, c’est qu’elle exploite notamment cinq terminaux de regazéification, décrypte Ana Maria Jaller-Makarewicz, analyste à l’Ieffa «On ne sait pas ensuite où va le GNL, il est possiblement exporté en Allemagne», pays qui ne comptait aucun terminal avant 2022 et dont la capacité d’import reste deux fois inférieure à celle de la France.
Décryptage
Le terminal de Dunkerque a, par exemple, réceptionné 27 % des importations européennes de GNL russe l’année dernière. 85 % des importations de ce gaz en Europe arrivent par la France, l’Espagne et la Belgique. Cependant, ces derniers ont tous deux réduit leurs importations en provenance de Russie, contrairement à la France. Ana Maria Jaller-Makarewicz a agrégé plusieurs données en accès libre et reconstitué les origines de l’approvisionnement français en GNL : un tiers est russe, un tiers est américain et 17 % vient d’Algérie. Pour expliquer cette hausse, le ministère de l’Economie a botté en touche auprès de Mediapart, assurant que «la responsabilité des importations de gaz naturel repose en premier lieu sur les fournisseurs».
L’Union européenne s’est tournée depuis 2022 vers le GNL «de fournisseurs non russes» en remplacement du gaz qui était transporté par gazoducs, dont la plupart ont fermé depuis la guerre en Ukraine. Peu de temps après l’invasion russe, l’UE avait signé des contrats d’approvisionnement avec le Qatar et les Etats-Unis, producteurs majeurs de GNL. Transporté par navires sous forme liquide à -160 °C, il nécessite d’être déchargé dans des ports, regazéifié puis injecté dans le réseau européen de gaz.
Alors qu’Ursula von der Leyen avait déclaré en 2023 «que Poutine a[vait] délibérément utilisé le gaz comme une arme», la forte dépendance au GNL russe complique l’objectif de la Commission européenne de viser une sortie complète du gaz de Russie sur le continent à l’horizon 2027. En 2023, ce gaz ne représentait plus que 8 % des importations à l’échelle européenne. «Il faut donc poursuivre la réduction de la demande en gaz», soutient l’analyste.
Mais cette réduction, engagée pendant la crise inflationniste de 2022, marque le pas. La France a réduit sa consommation de 20 % mais depuis 2024, la demande ne baisse plus. «Certaines mesures d’efficacité énergétique ont été relâchées», telles que l’isolation des bâtiments pour limiter la consommation de gaz durant cet hiver froid, explique Ana Maria Jaller-Makarewicz. Les industriels, eux, se préparent en tout cas à pouvoir recevoir de plus en plus de GNL. De nouveaux terminaux méthaniers décidés depuis la crise sont toujours en train d’être construits, notamment en Allemagne.
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