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Dépénalisation de l’usage simple pour toutes drogues, légalisation du cannabis, un accès aux soins facilité au lieu de politiques punitives… Le rapport parlementaire visant à «évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants» présenté ce mardi 18 février à l’Assemblée nationale va à rebours du virage sécuritaire assumé par le gouvernement. Face à la politique du tout répressif et de la culpabilisation du consommateur vantée par le tandem Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, les deux rapporteurs Ludovic Mendes (EPR) et Antoine Léaument (LFI) dégainent une soixantaine de mesures telles que la légalisation du cannabis ou encore la dépénalisation de l’usage et de la détention, en petites quantités, des principales drogues en circulation en France.
Depuis 2020, pour entre autres désengorger les tribunaux français, a été mise en place une amende forfaitaire de 200 euros inscrite au casier judiciaire pour les consommateurs contrôlés en possession de petites quantités de drogues, cannabis, cocaïne ou encore ecstasy compris. Plutôt que la méthode très française qui consiste à taper sur le consommateur, les deux rapporteursse sont inspirés de certaines législations étrangères.
En Europe, les lois diffèrent selon les substances. Si les politiques tendent à s’assouplir en ce qui concerne le cannabis, l’usage de produits de synthèse ou de substances dites «dures» reste presque partout prohibé. Petit tour d’horizon de certaines spécificités chez nos voisins européens.
Ich kiffe, du kiffst, er kifft… Après Malte et le Luxembourg, l’Allemagne est devenue le 1er avril 2024 le troisième pays à opter pour une légalisation du cannabis. Outre-Rhin, les personnes majeures peuvent désormais avoir dans leur poche jusqu’à 25 grammes d’herbe. Ou même se muer en en jardinier : cultiver jusqu’à trois plants et posséder jusqu’à 50 grammes chez soi est légal. Depuis le 1er juillet, ceux qui ont moins la main verte peuvent aussi se fournir dans des «cannabis social club», des structures associatives qui permettent aux fumeurs d’accéder à un circuit légal de production et distribution de cannabis.
Côté drogues de synthèse, la loi est plus stricte. La cocaïne est classée comme une substance illégale et en posséder est passible de sanction pénale, même en petites quantités.
Contrairement aux idées reçues, fumer son joint le long des canaux amstellodamois n’est pas autorisé, seulement toléré. Dans les textes néerlandais, posséder du cannabis peut être sanctionné d’une peine de prison allant jusqu’à un an, dans les faits, la possession de cannabis pour usage personnel (jusqu’à 30 grammes) est tolérée. Dans les villes de Bréda et Tilbourg, au sud du pays, depuis décembre 2023, les autorités expérimentent par ailleurs la légalisation de la production et de l’approvisionnement des coffee-shops, lieux de vente jusqu’alors alimentés par le marché noir.
Aux Pays-Bas, une distinction particulière qui demeure : celle entre drogues dites «douces» et «dures». Ainsi posséder et détenir des drogues dites «dures» telles que la cocaïne, l’héroïne, la 3-MMC ou encore la MDMA est bien interdit. Toutefois, comme en Allemagne, la tolérance est souvent de mise pour les petites quantités destinées à «un usage personnel».
Plus au sud, en Espagne, la souplesse est de mise. Si les drogues sous toutes leurs formes sont interdites à la consommation et à la détention dans l’espace public (une infraction grave, punie d’une amende comprise entre 601 et 30 000 euros), une zone grise existe avec les cannabis social clubs de Barcelone et de la Catalogne, où il est possible d’acheter et consommer du cannabis. Ces structures se sont développées depuis 2002 et sont plus ou moins tolérées par les autorités. L’accès à ces associations à but non lucratif est restreint à leurs membres, tous majeurs.
De l’autre côté des Alpes, les personnes souffrantes de maladies réfractaires aux traitements classiques peuvent se soigner depuis août 2022 avec du cannabis médical. La confédération envisage d’ailleurs d’aller plus loin autour du chanvre. Le 14 février 2025, une commission parlementaire a adopté un projet de loi visant à permettre la réglementation de l’accès et de la vente de cannabis. Toutefois, la route est encore longue pour le projet de loi. Il doit encore faire l’objet d’une consultation populaire, un référendum, puis être voté par les deux chambres parlementaires.
Pays fédéral, la Suisse multiplie expérimentations et consultations en matière de stupéfiants à tous les niveaux. Le 1er juin 2023, par 43 contre 18, le conseil de ville de Berne a accepté d’étudier un projet pilote défendu par une élue de gauche. Finalement rejeté, le projet prévoyait une distribution contrôlée de cocaïne pour endiguer les trafics.
Dans certains usages problématiques de stupéfiants, le pays helvète est un exemple. Confrontée dans les années 1980 à l’explosion de l’usage de crack, un mélange de cocaïne et de bicarbonate de soude destiné à être fumé, la Suisse a décidé dès 1986 de modifier sa loi sur les stupéfiants pour permettre d’ouvrir une première salle de consommation à moindre risque à Berne, ainsi que de mettre en place les distributions de seringues et les traitements de substitution.
La confédération compte aujourd’hui 19 structures où les usagers peuvent consommer du crack ou de l’héroïne en sécurité. En France, il n’existe que deux salles de consommation à moindres risques, en expérimentation depuis 2016. Outre celle de Paris, une autre est située à Strasbourg. Les deux sont réservées aux publics injecteurs, souvent d’héroïne.
A rebours du reste du monde, le pays lusophone a dépénalisé depuis plus de vingt ans l’achat, la détention et l’usage de stupéfiants pour la consommation individuelle. Ce sont les chiffres alarmants de la consommation d’héroïne à la fin des années 1990 qui ont poussé le pays à revoir son modèle : une nouvelle stratégie initiée par le ministère de la Santé au profit du ministère de la Justice. Et enfin privilégier une approche sanitaire. Aujourd’hui, le Portugal fait partie des pays affichant les taux les plus faibles en termes d’usage de drogues en Europe.
Si le trafic reste prohibé, les consommateurs de drogues portugais sont depuis considérés comme des malades plutôt que des criminels. La consommation et la détention de stupéfiants en petite quantité, à des fins d’usage personnel, ne constituent plus un délit passible d’une peine de prison. Bien que la consommation de ces substances reste interdite, l’usage sort du champ pénal et constitue uniquement une infraction administrative.
Le dernier rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies le rappelle : la suppression des sanctions pour simple consommation de drogues est conforme aux recommandations des instances internationales. L’ONU et l’OMS recommandent ainsi «la dépénalisation de la possession de drogue pour usage personnel».
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