Retraites : ce que dit le rapport de la Cour des comptes sur lequel le «conclave» va s’appuyer

Retraites : ce que dit le rapport de la Cour des comptes sur lequel le «conclave» va s’appuyer

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Au risque de vous démotiver illico, un spoiler honnête pour commencer : avec son rapport sur la «situation financière et les perspectives du régime du système de retraites», la Cour des comptes n’a pas «refait la lampe à huile». Avertissement lancé par son premier président, Pierre Moscovici, à l’occasion de la présentation à la presse de ce travail exécuté en un temps record, moins d’un mois, ce qui ne le rend pas peu fier. La centaine de pages vient d’être remise, ce jeudi 20 février, à François Bayrou et aux organisations syndicales et patronales chargées par le Premier ministre de rouvrir le chantier des retraites au sein de ce qu’il appelle un «conclave» (officiellement une «délégation permanente des partenaires sociaux»).

Les discussions vont donc pouvoir démarrer sur «une base utile et indiscutable», croit Pierre Moscovici, qui estime avoir livré là «le rapport le plus exhaustif qui n’ait été fait» sur le très passionnel sujet des retraites. Il le dit sans volonté d’enfoncer le Conseil d’orientation des retraites (COR), à qui François Bayrou aurait pourtant pu commander la même mission – ses travaux ont d’ailleurs largement alimenté ceux de la juridiction de la rue Cambon. Mais le Premier ministre a estimé que l’instance qui lui est rattachée, et où siègent syndicats et patronat, ne livrerait pas un travail suffisamment objectif, en raison notamment d’un différend autour du calcul des pensions des fonctionnaires de l’Etat. François Bayrou estime en effet que le déficit réel des retraites n’est pas, comme l’affirmait le COR dans son dernier rapport, d’environ 6 milliards d’euros en 2024, mais qu’il faudrait y ajouter «40 ou 45 milliards d’euros» (a-t-il dit lors de sa déclaration de politique générale) en tenant compte du fait que comparé au secteur privé, l’Etat «surcotise» pour verser les pensions de ses propres retraités.

S’il espérait que la Cour des comptes lui donne raison, c’est raté. En quelques pages lapidaires, la juridiction évacue sa lecture en estimant que «les taux de cotisation employeurs sont difficilement comparables» entre le public (où il serait de l’ordre de 78% pour les retraités du civil, 126% pour les militaires) et le privé (où il est fixé à 16,46%), «tant chaque régime présente des spécificités et intègre les effets de règles particulières». Reprenant des arguments déjà exposés par le COR, la Cour des comptes explique ainsi que cet effort financier de l’Etat trouve sa source dans le fait qu’un certain nombre de fonctionnaires ayant exercé dans les catégories dites «actives» (police, armée…) partent très tôt en retraite, mais aussi dans une assiette de cotisations salariales plus étroites, puisqu’elles ne sont pas assises sur les primes des agents, ainsi qu’«une situation démographique défavorable», du fait de restrictions d’embauches au statut d’agent dans la fonction publique. «Par ailleurs, et surtout, insiste Pierre Moscovici, ce débat est sans incidence sur le montant des déficits qui pèsent sur les finances publiques. Pour nous, c’est une erreur de considérer qu’il y aurait une sorte de recette affectée au sein des retraites et que c’est dans le cadre du système de retraites que les choses devraient se compenser.»

Le fait d’évacuer ainsi ce sujet devrait satisfaire les organisations syndicales mais aussi patronales, qui refusaient l’idée de négocier avec un trou supplémentaire de 40 milliards d’euros au-dessus de leur tête. Il n’empêche, précise la Cour des comptes, que sur vingt ans, le système de retraites devrait subir une «nette dégradation», et ce malgré la réforme de 2023 qui devait pourtant, selon la promesse du gouvernement Borne, régler les problèmes de financement à l’horizon 2030.

Après une année 2023 excédentaire de 8 milliards d’euros, pour moitié grâce aux augmentations de salaires liées à l’inflation qui ont fait rentrer des recettes supplémentaires, la courbe du solde (le rapport entre les recettes et les dépenses) se remet à plonger dans le scénario retenu, à savoir une croissance de la productivité de 0,7%. Cette hypothèse étant plus basse que celle retenue par le COR dans son scénario central (1%), les comptes s’en voient davantage affectés, avec un déficit qui devrait atteindre «près de 15 milliards d’euros hors inflation en 2035 [environ 0,6 % du PIB, ndlr], puis autour de 30 milliards d’euros en 2045». Pour autant, la différence avec un scénario 1% n’est pas flagrante, si bien qu’en 2032, quelle que soit l’hypothèse utilisée, le déficit serait d’environ 8 milliards d’euros, un peu moins de 0,3% du PIB. Autrement dit, il ne suffit pas de rêver à une croissance plus élevée pour que le sujet se résolve de lui-même. Cette même année 2032, la réforme de 2023 qui reporte l’âge légal de départ en retraite à 64 ans atteindrait son rendement maximal, en améliorant le solde de 7,1 milliards d’euros. Après 2040, ses effets seraient amoindris notamment par des gains d’espérance de vie.

Quels seraient donc les effets d’une modification de cette réforme ? C’est le troisième point abordé par la Cour des comptes, et celui qui devrait le plus alimenter les discussions entre syndicats et patronat. Premier paramètre envisagé, l’âge d’ouverture des droits, autrement dit l’âge légal. Dans l’hypothèse où la mise en œuvre de la réforme s’arrêterait à 63 ans, compromis possible du «conclave», il faudrait trouver 5,8 milliards d’euros en 2035 pour compenser. Dans l’hypothèse (à peu près inenvisageable à ce stade, car il faudrait accélérer soudainement la réforme de 2023) d’un passage à 65 ans d’ici à la même année, le rendement supplémentaire serait de 8,4 milliards d’euros. Une mesure d’âge, quelle qu’elle soit, «monterait rapidement en puissance mais se stabiliserait à moyen terme», relève Pierre Moscovici, à l’inverse d’une mesure portant sur la durée de cotisation requise pour partir à taux plein. Ainsi, si l’on revenait à 42 ans de cotisation (au lieu des 43 prévus par la loi) en 2035, il faudrait trouver 3,9 milliards d’euros pour compenser, tandis qu’un relèvement à 44 ans rapporterait 5,2 milliards d’euros.

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Deux autres leviers sont aux mains des pouvoirs publics pour ajuster les recettes et les dépenses de retraites, et peuvent donc être discutés par les acteurs sociaux. Le premier, c’est celui, systématiquement exclu du débat par le patronat et les pouvoirs publics, des cotisations. Il se montrerait pourtant d’une efficacité immédiate, puisqu’un relèvement d’un point des cotisations salariales et patronales au régime de base rapporterait entre 4,8 et 7,6 milliards d’euros dès cette année. Autre levier aux effets à peu près instantanés, celui de l’indexation des pensions de retraites sur l’inflation, que l’ancien Premier ministre Michel Barnier a tenté d’activer à ses dépens. Par exemple, en 2025, une (très théorique, puisque désormais impossible à appliquer) «sous-indexation d’un point des pensions par rapport à l’inflation permettrait une économie de 2,9 milliards d’euros».

Avec tout ça, Pierre Moscovici estime sa «mission accomplie», expliquant : «Nous, on nous demande de dresser la table, et de mettre sur la table les ingrédients : du sel, du poivre, de la viande, du poisson, des légumes et des fruits. Ensuite, ce n’est pas à nous de faire la cuisine. Mais ils sont là.» Et bon appétit !

Libération

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