:quality(70)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/P42SVK3LQRGLPEIZ73PFHDKBFE.jpg)
Quelques badauds ralentissent leur course matinale ce jeudi 20 février pour observer le spectacle qui se déroule sous leurs yeux. «Ça me touche complètement, il faut dénoncer la barbarie de la Russie», s’émeut Rodolfo, casque de vélo vissé sur la tête, attiré par l’événement qui se déroule en plein Paris. 20 cercueils ont été installés face à lui, sur la place de la République, par des individus en coupe-vent rouge. Dans leur dos est inscrit «RSF», les initiales de l’ONG Reporters sans frontières à l’origine de cette action coup de poing.
Devant l’immense statue, plusieurs employés de l’organisme tiennent une banderole longue de 15 mètres. En grosses lettres, on peut lire : «Une journaliste ukrainienne est morte en prison en Russie. 19 y sont encore enfermés. Faut-il attendre leur mort pour agir ?» Parmi tous les cercueils, seul un est fermé. Il rend hommage à Victoria Roshchyna, morte dans les geôles du Kremlin à 27 ans en septembre 2024. Cinq mois plus tard, les membres de sa famille attendent toujours de voir son corps et d’un jour, ils l’espèrent, se recueillir sur sa tombe.
Les 19 autres cercueils rappellent les journalistes ukrainiens toujours emprisonnés par l’armée russe. «La Fédération de Russie n’admet toujours pas les détenir. Mais nous savons qu’ils sont entre leurs mains, assure Thibaut Bruttin, directeur général de RSF. Les traitements infligés par les autorités russes en prison sont particulièrement violents : des interrogatoires absurdes et réguliers, de la torture, des privations. Certains de ces 19 journalistes sont peut-être déjà morts.» Jeanne Cavelier, responsable de l’Europe de l’Est pour l’ONG, dresse un tableau tout aussi accablant de la situation. «Parmi les journalistes encore détenus, on sait que l’un d’eux a été mis en esclavage et a dû creuser des tranchées pour la Russie.»
Seulement quatre jours avant le troisième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le bilan est lourd pour les journalistes. Un récent compte rendu de l’ONG décompte 150 journalistes victimes d’exactions russes depuis le début du conflit. 329 médias ukrainiens ont dû cesser leurs activités. «C’est une histoire dans l’histoire, qui est trop méconnue et vraiment inquiétante, dénonce Thibaut Bruttin. Il faut tirer la sonnette d’alarme. Il est important que les diplomaties européennes s’emparent de ce sujet. Il en va de la vie de ces journalistes !»
RSF tente d’alerter les dirigeants sur la situation par tous les moyens. Une rencontre entre Reporters sans frontières et le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a d’ailleurs eu lieu. Même si le sujet n’est pour l’instant pas au centre des discussions sur l’Ukraine, l’ONG espère obtenir des résultats concrets, notamment en saisissant la justice. Lundi 24 février 2025, pour les trois ans de l’invasion russe, RSF portera plainte pour la neuvième fois auprès de la Cour pénale internationale et du procureur général d’Ukraine, pour crime de guerre en raison de la déportation des journalistes ukrainiens détenus par la Russie.
Leave a Comment