Alice Weidel, dédiabolisatrice en cheffe de l’extrême droite allemande

Alice Weidel, dédiabolisatrice en cheffe de l’extrême droite allemande

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Elle est le visage paradoxal de l’extrême droite allemande. Quadragénaire blonde et souriante, lesbienne, son allure bourgeoise contraste avec les tournures populistes de ses discours. En col roulé ou chemisier, toujours impeccablement mise, elle est la porte-voix d’un discours réactionnaire, misogyne, raciste et climatosceptique qui fait les choux gras des conservateurs masculinistes américains. Pendant la campagne des législatives anticipées qui se déroulent ce dimanche 23 février, l’homme le plus riche du monde, Elon Musk, aurait pu passer pour son directeur de cabinet tant il fut présent. Le bras droit de Donald Trump, tout occupé qu’il est à détricoter l’Etat fédéral américain, n’a pas cessé d’œuvrer pour soutenir l’AfD (Alternative für Deutschland) et sa cheffe atypique, tout au long d’une campagne rythmée par les discours d’extrême droite, notamment à l’encontre des migrants.

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Et Alice Weidel le lui a bien rendu. La tonalité de son programme, de ses apparitions, entre meetings et débats télévisés dont elle fut trop souvent l’égérie, a pris des allures trumpistes. Alternant les références au président américain – «Make Germany great again !» – avec la rhétorique traditionnelle de son parti. Elle a porté sans honte le projet d’une «remigration» des réfugiés en Allemagne, dont elle n’osait pas parler il y a un an. Et l’AfD a pu voir sa popularité exploser sans altérer sa radicalité – le parti est crédité de 20 % des intentions de vote dans les sondages – dans un pays qui avait jusqu’ici l’extrême droite en horreur, traumatisé par son passé nazi.

Une filiation que sa cheffe réfute en bloc : pour Alice Weidel, l’AfD n’a «rien de commun avec Adolf Hitler». C’était justement lors d’une conversation avec Elon Musk, diffusée en direct sur sa plateforme X, où elle assurait, à rebours de ce qu’ont documenté en long, en large et en travers les historiens, que Hitler «était un communiste et qu’il se considérait comme un socialiste». Qu’importe donc que leurs idées résonnent, que ce parti, fondé en 2013, l’ait été par des néonazis nostalgiques du troisième Reich. L’important, pour Alice Weidel, c’est de parler aux électeurs déçus d’une Allemagne en crise de modèle. Affaiblie par la baisse des exportations de son industrie et la hausse des prix de l’énergie liée à la guerre en Ukraine. De rejeter la faute du déclassement de ses citoyens sur les migrants, les éoliennes ou encore la supposée disparition de la liberté d’expression – autre point sur lequel elle assure se distinguer du Fürher «qui l’avait supprimée».

Dans la bouche de cette ancienne banquière de Goldman Sachs, qui réside en Suisse avec sa compagne d’origine sri-lankaise et leurs deux enfants, cela peut paraître paradoxal. Et pourtant, cela colle parfaitement avec l’évolution récente de l’extrême droite mondiale, sa nature néolibérale – qu’elle revendique pleinement – et tout à la fois ultra-conservatrice.

Elle incarne exactement ce que les électeurs de son parti ne sont pas. Née à l’Ouest, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans un milieu aisé – d’un père vendeur de meubles et d’une mère au foyer –, la voici portée par une base électorale qui se concentre dans l’ancienne RDA communiste. Docteure en économie, elle a vécu en Chine et aux Etats-Unis (et maîtrise le mandarin et l’anglais), avant de militer pour le FDP, un parti libéral pro-business Elle doit désormais son succès à des travailleurs inquiets par la mondialisation et la main-d’œuvre étrangère – pourtant essentielle pour faire tourner l’industrie d’une Allemagne vieillissante.

«Pendant cette campagne électorale, elle est clairement devenue la reine sans couronne de l’AfD», estime le professeur Wolfgang Schroeder de l’université de Cassel, dans un entretien à l’AFP. Usant de son profil détonnant pour normaliser un parti paria, et rythmer le débat autour de ses thèmes de prédilection.

Ses soutiens étrangers n’y sont pas pour rien. Musk, bien sûr, mais aussi le vice-président J.D. Vance qui, après son sermon aux démocraties européennes, le 14 février, lors d’un sommet sur la défense à Munich, lui a fait l’honneur d’une rencontre qu’il a refusée au chancelier en place, le social-démocrate Olaf Scholz. Viktor Orbán, le sulfureux Premier ministre hongrois qui officie comme caillou pro-russe dans la chaussure de l’Union européenne, voit en elle «le futur de l’Allemagne». Une dédiabolisation internationale accélérée alors qu’il y a moins d’un an, en mai 2024, l’AfD était exclu du groupe au Parlement européen qui rassemble le parti d’Orbán ou encore le Rassemblement national, officiellement parce que trop radical.

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La voici donc dépeinte en star montante, invitée à tous les débats télévisés, ce qui «contribue à sa normalisation», selon l’hebdomadaire Der Spiegel. «Elle est surtout extraordinairement flexible et avide de pouvoir», précise Wolfgang Schroeder à l’AFP, expliquant ainsi l’ascension de cette néolibérale dans un parti jusque-là dirigé par une «aile plus radicale» qui «prône un nationalisme ethnique».

Tout au long de la campagne, elle a fait sienne leur rhétorique, chaque fois qu’elle présentait son programme après une énième diatribe contre les migrants : baisser la TVA et les impôts, supprimer toutes les taxes sur l’énergie, relancer le nucléaire, supprimer les livraisons d’armes à l’Ukraine et rayer des textes de loi «tous les interdits idéologiques». Il est une seule idée qui semble détonner autant qu’elle résonne avec sa personne : sa conviction que les couples homosexuels doivent être libres et égaux en droits. Mais elle assure que cela n’a rien d’incompatible avec le programme de l’AfD. Elle n’est pas à une contradiction près.

Libération

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