«Le refus de don d’organes a été multiplié par 10» : comment un fait divers américain met en danger la vie de patients en attente de greffons en France

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Décryptage

Un article publié le 17 octobre aux Etats-Unis, qui rapporte le cas d’un patient se réveillant au milieu d’une opération de prélèvement d’organes, entraîne depuis lundi en France une augmentation des inscriptions au registre des refus de dons. L’Agence de biomédecine rappelle que les faits n’ont pas été authentifiés.

Un fait divers aux conséquences sanitaires d’ampleur. Quelques jours après la publication d’un article rapportant le cas d’un patient américain qui se serait réveillé au milieu d’un prélèvement d’organes, l’Agence de biomédecine a alerté mardi sur un bond des refus de dons d’organes en France. L’agence publique chargée du sujet annonce ainsi avoir enregistré, pour les journées de lundi et mardi, une multiplication par dix des inscriptions au registre national du refus. Ce dispositif est le principal moyen pour s’opposer au prélèvement d’organes et de tissus après la mort. Une situation «préjudiciable» qui fait craindre des répercussions sur les patients en attente de greffe, alors que la situation du patient américain «serait impossible en France», rappelle l’agence. Libé vous résume l’affaire.

Pourquoi la publication d’un fait divers a-t-elle semé la panique ?

Ce week-end, de nombreux médias français – dont le Figaro, le Parisien, ou encore le 20 heures de TF1 – , se sont fait l’écho d’un article publié le 17 octobre par la radio publique américaine NPR retraçant l’histoire d’Anthony Thomas Hoover. En octobre 2021, cet Américain de 36 ans s’était réveillé en plein milieu de l’opération qui visait à prélever une partie de ses organes. Il avait pourtant été jugé en état de mort cérébrale par l’équipe de l’hôpital du Kentucky dans lequel il était traité. Début octobre, trois ans après les faits, cet homme est toujours en vie et une enquête a été ouverte afin de faire toute la lumière sur les circonstances de l’affaire. Selon l’Agence de biomédecine, l’information de NPR, qui n’a pas été authentifiée de manière indépendante, est «hautement suspecte du point de vue des anesthésistes français».

Mais alors que l’histoire a largement été relayée sur les réseaux sociaux français en des termes alarmistes, l’agence publique française chargée du sujet a regretté mardi une telle médiatisation. «Le fait de véhiculer cette information est très préjudiciable et jette l’opprobre sur le don et la greffe d’organes en France», a-t-elle souligné. L’Agence de biomédecine confirme par ailleurs auprès de Libé avoir «relevé une augmentation nette du nombre d’inscriptions sur le registre national des refus», de l’ordre d’une dizaine de fois de plus que la normale quotidienne. «De 100 refus de dons par jour, on est passé à 1 000. Ces chiffres sont révélateurs du climat de suspicion et de peur qui s’est installé», s’alarme l’agence.

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Une situation similaire pourrait-elle se produire en France ?

Le professeur Jean-Michel Constantin, chef du service de réanimation chirurgicale et polyvalente à l’hôpital universitaire Pitié-Salpêtrière, ne laisse pas de place au doute. «Il est totalement impossible qu’un tel événement se produise en France. Ça ne peut jamais arriver. Et il est rare de dire jamais en médecine, donc ça prouve à quel point c’est avéré», poursuit le président de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar).

Alors qu’aux Etats-Unis, le diagnostic de «mort cérébrale» peut, dans certains Etats, être décrété sur la base d’un examen clinique unique, Jean-Michel Constantin rappelle qu’en France, ce premier examen est non seulement réalisé par un médecin sénior mais que d’autres recherches «paracliniques» sont également exigées. «Soit un électroencéphalogramme afin de montrer un tracé plat, soit une imagerie cérébrale pour visualiser qu’il n’y a plus de sang qui arrive au cerveau», poursuit le professeur de médecine. C’est seulement après cette «procédure très stricte et réglementée» que le certificat de décès pourra être signé, et le prélèvement d’organes entrepris. «Le diagnostic est irréfutable», insiste encore le médecin. La vague de suspicion générée par ce fait divers a entraîné une «situation dramatique» pour les patients en attente d’un organe, déplore le chef du service de réanimation.

Un tel bond des inscriptions au registre des refus a-t-il déjà été observé en France ?

«Les inscriptions sur le registre national des refus ont toujours été très fluctuantes en fonction des faits de sociétés et des périodes de tensions sociales. Mais un tel bond dans les refus de dons d’organes n’était jamais arrivé auparavant», rappelle de son côté France Roussin, coordinatrice du prélèvement d’organes et de tissus à l’AP-HP. Une nette augmentation des inscriptions sur le fichier avait déjà été enregistrée pendant la crise Covid, la crise des gilets jaunes ou encore pendant les manifestations contre la réforme des retraites. «Je pense qu’il s’agit d’un repli sur soi-même et d’un manque de confiance à l’égard de la société», poursuit-elle.

Tout en rappelant que depuis 1976, «tous les Français sont automatiquement considérés comme des donneurs potentiels, à moins de s’y opposer de leur vivant en s’inscrivant sur le registre national des refus», France Roussin précise que, pour s’y opposer, on peut également «le dire verbalement à ses proches», ou bien «l’écrire sur un papier que l’on conserve avec soi». Au global, «le taux de refus est très élevé en France, bien plus que dans nos pays voisins». Il est de 36 % à l’échelle nationale, alors que 25 000 personnes sont en attente d’un don dans l’Hexagone. «Près de trois personnes décèdent quotidiennement faute de greffons. C’est colossal. Et nous n’avions pas besoin d’aggraver une telle situation de pénurie», conclut la coordinatrice du prélèvement d’organes et de tissus des hôpitaux parisiens.

Libération

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