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Claudia Sheinbaum en est convaincue : il n’y aura pas de droits de douane entre son pays et les Etats-Unis. La première femme présidente du Mexique, en fonction depuis cinq mois, l’a réaffirmé dimanche 9 mars face à la foule assistant à une «assemblée informative» sur le Zócalo, la plus grande place de Mexico. Quelques jours auparavant, elle avait obtenu de Donald Trump, à la suite d’un entretien téléphonique, la suspension pour un mois d’une taxe de 25% sur tous les produits importés du Mexique. Lors de cette conversation, «le dialogue et le respect ont prévalu», s’est-elle félicitée.
Pour la suite, Claudia Sheinbaum se dit «optimiste» et s’en tient aux termes employés par la Maison Blanche. «Pour le 2 avril, les Etats-Unis ont annoncé des droits de douane réciproques pour les tous les pays du monde, a-t-elle expliqué. Mais le Mexique n’est pas concerné, parce que depuis trente ans nous avons signé deux traités commerciaux qui stipulent que nous ne percevons pas de taxes, et que nous n’en versons pas non plus.» Pas sûr que cette lecture sera celle de Donald Trump, qui se comporte jusqu’à présent comme si l’accord de libre-échange entre les trois pays d’Amérique du Nord (Mexique, Etats-Unis et Canada) n’existait pas.
La présidente de gauche est aussi revenue sur le prétexte utilisé par son homologue pour lancer sa guerre économique : un manque supposé de volonté pour combattre le trafic de cachets de fentanyl, un opiacé de synthèse élaboré clandestinement au Mexique et massivement consommé chez son voisin. Mais ce combat a une contrepartie : le contrôle du trafic d’armes dans l’autre sens. «Nous avons réaffirmé au président qu’il doit faire en sorte que les armes de gros calibre cessent d’entrer sur notre territoire», a souligné Sheinbaum.
Sous le soleil implacable de midi, la foule évaluée à 350 000 personnes de source officielle encourageait la Présidente avec le slogan «Tu n’es pas seule». Plus de 80 % de la population soutient son action, selon les dernières enquêtes d’opinion. Et certains assistants portaient des casquettes frappées de la devise «Make America Mexican Again». Dans la tribune officielle se trouvait l’état-major de son parti, le Mouvement de régénération nationale (Morena), mais aussi des représentants du Parti d’action nationaliste (PAN), l’opposition de droite. Une union sacrée dont le mérite revient à Donald Trump.
Claudia Sheinbaum a poursuivi : «Chaque année nous recevons près de 23 millions de citoyens des Etats Unis, et autour de 1 million vivent parmi nous. Nous sommes donc voués à entretenir une bonne relation d’amitié et de coopération. Nos économies sont très intégrées, et tout changement entraînerait des déséquilibres. La grande majorité des entreprises qui exportent des biens d’ici vers les Etats-Unis sont de là-bas.» Sa conclusion : «Nous ne pouvons pas céder sur notre souveraineté, et notre peuple ne peut pas être affecté par des décisions que prennent des gouvernements étrangers ou des hégémonies étrangères.»
La semaine dernière, le ministre mexicain de l’Economie, Marcelo Ebrard, un poids lourd du gouvernement de gauche, se félicitait de la décision du géant argentin du commerce en ligne Mercado Libre d’investir 3,4 milliards de dollars (3,1 milliards d’euros) au Mexique cette année, avec à la clé 10 000 emplois. En Amérique latine, Mercado Libre est le principal rival d’Amazon, et le contexte actuel est une aubaine pour reprendre des parts de marché au mastodonte de Seattle. De telles annonces se multiplient depuis que le président américain a lancé son chantage aux droits de douane. Fin janvier, la banque espagnole Santander annonçait un investissement de 2 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros) dans le pays.
Dimanche soir, Donald Trump semblait planer en répondant à des questions de journalistes à bord de son avion Air Force One, de retour de son week-end de golf en Floride. Interrogé sur le ralentissement de l’activité économique et le spectre de la récession, liés aux inquiétudes sur la guerre commerciale dont il menace ses partenaires, il a lancé : «Je déteste prédire les choses comme ça.» Et de concéder : «Il y [aura] une période de transition» pour les entreprises américaines. Du dérèglement du commerce international qui découle de ses décisions, le président ne veut voir que le pactole que devraient rapporter ses taxes sur les importations : «Tout ce que je sais, c’est que nous allons recevoir des centaines de milliards de dollars, et que nous allons devenir tellement riches que vous ne saurez plus où dépenser tout cet argent.»
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