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Pour sa première audience devant la Cour pénale internationale (CPI) ce vendredi 14 mars, l’ex-président philippin Rodrigo Duterte de 79 ans n’a pas comparu en personne, mais en visioconférence. L’homme répond d’accusations de crime contre l’humanité au nom de sa «guerre contre la drogue». Plus tôt vendredi, sa fille, Sara Duterte, vice-présidente des Philippines, avait effectué une demande de dernière minute pour déplacer l’audience, en vain. Cette première et brève audience par liaison vidéo a servi à l’informer des crimes dont il est soupçonné et des droits dont il dispose en tant qu’accusé.
D’apparence fragile, portant un costume bleu avec une cravate, le premier ex-chef d’Etat asiatique à être inculpé par la CPI a brièvement parlé pour confirmer son nom et sa date de naissance. La juge présidant l’audience, Iulia Motoc, lui a permis de suivre la procédure à distance en raison de son long vol vers La Haye depuis Manille.
«Il a été transporté sommairement à La Haye. Pour les avocats, c’est une extradition extrajudiciaire. Pour les esprits moins juridiques, c’est un enlèvement pur et simple», a déclaré son conseil, Salvador Medialdea, ajoutant que Rodrigo Duterte souffrait de «problèmes médicaux débilitants» et concluant : «A part s’identifier lui-même, il n’est pas en mesure de contribuer à cette audience.»
Duterte a semblé somnoler pendant la procédure, fermant fréquemment les yeux pendant de longues périodes. Mais la juge Motoc lui a rappelé que «le médecin de la cour était d’avis [qu’il était] pleinement conscient mentalement et apte». Elle a fixé au 22 septembre la prochaine étape du processus, soit une audience pour confirmer les accusations. Lors de l’audience de confirmation des charges, un suspect peut contester les preuves présentées par le procureur. Ce n’est qu’après cette étape que le tribunal décidera de poursuivre ou non avec un procès, un processus qui peut prendre plusieurs mois, voire des années.
L’ancien président des Philippines, de 2016 à 2022, est suspecté de crime contre l’humanité pour des meurtres commis pendant sa campagne contre les usagers et trafiquants de drogue. Plus de 6 000 personnes ont été tuées lors de ces opérations antidrogue sous sa présidence, selon les données officielles publiées par les Philippines. Les procureurs de la CPI estiment, eux, que le nombre de morts se situe plutôt entre 12 000 et 30 000.
Pour l’accusation, les crimes reprochés à Duterte s’inscrivaient «dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile des Philippines». «Des dizaines de milliers de meurtres ont potentiellement été perpétrés», a affirmé le procureur à propos de cette campagne, qui a pris pour cibles surtout des hommes pauvres, souvent sans preuve de leur lien avec le trafic.
Alors que les familles des victimes espèrent enfin obtenir justice, les partisans de Duterte estiment qu’il a été kidnappé et envoyé à La Haye car victime des querelles intestines au sommet de l’Etat et de la brouille entre la famille Duterte et celle du président Marcos, jusque-là alliées pour diriger les Philippines.
Bien loin des «problèmes médicaux débilitants» avancés par son avocat, Rodrigo Duterte avait partagé mercredi une vidéo sur Facebook, alors qu’il s’apprêtait à atterrir aux Pays-Bas, dans laquelle il déclarait : «Je suis celui qui a dirigé les forces de l’ordre et l’armée. J’ai dit que je vous protégerai et j’assume mes responsabilités. […] J’ai dit à la police, à l’armée, que c’était mon travail et que j’en étais responsable.»
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