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Des pourparlers de paix se tiendront-ils vraiment le 18 mars à Luanda, la capitale de l’Angola, entre des délégations de la république démocratique du Congo (RDC) et du Mouvement du 23 mars (M23), le groupe rebelle qui combat le gouvernement dans l’est de la RDC ? C’est en tout cas ce qu’affirme la présidence angolaise, qui tente ainsi de relancer le processus politique de sortie de crise, marquant une rupture avec la ligne affichée par Kinshasa jusqu’ici.
Car le président congolais Félix Tshisekedi continuait ces dernières semaines de qualifier le M23 de «terroriste» et de «pantin» du Rwanda, tandis que le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, affirmait encore le 7 mars dans une interview accordée à la Deutsche Welle que «la question de les inclure [dans les négociations] ne se [posait] même pas». Pour Trésor Kibangula, directeur du pilier politique à l’institut congolais Ebuteli, «l’Angola offre une perche au président Tshisekedi pour sortir de son piège du refus de négociation directe. Le fait que ce soit une initiative angolaise permet de ne pas assumer tout seul ce revirement».
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Depuis novembre 2022, dans le cadre du processus dit de Luanda, le président angolais João Lourenço est chargé de faciliter la paix dans l’est de la RDC. Mais son annonce a été reçue prudemment par le président congolais. Félix Tshisekedi n’a pas confirmé officiellement son intention de dialoguer avec le M23 et sa porte-parole s’est contentée de «prendre acte» sur le réseau X de «cette démarche de la médiation angolaise». Cette dernière a rappelé au passage l’attachement du président de la RDC à un autre processus de paix, celui de Nairobi. Initiée en avril 2022 pour désarmer l’intégralité des rebelles actifs dans l’est du pays, cette médiation conduite par le président kenyan est considérée comme un échec par la plupart des observateurs. Mais le processus de Nairobi reste théoriquement actif et Kinshasa a même annoncé sa fusion avec celui de Luanda, entraînant une certaine confusion.
L’ambiguïté est également alimentée par le fait que Kinshasa traitait jusqu’ici différemment le M23 dans les deux processus de négociation. A Nairobi, le M23 avait disposé d’un canal de discussion avec le gouvernement congolais au même titre que les 200 autres groupes armés présents dans la région du Kivu. Mais dès avril 2022, le gouvernement de Kinshasa avait exclu le M23 de ce processus. Et dans le cadre du processus de Luanda, le président Tshisekedi avait jusqu’à présent toujours maintenu la ligne rouge d’une négociation avec le Mouvement du 23 mars, estimant que cette entité n’est qu’un proxy du gouvernement rwandais.
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En participant à des discussions directes avec le M23, le gouvernement congolais consacrerait la solution portée par une troisième initiative de médiation, celle des Eglises catholique et protestante congolaises. Leurs représentants ont rencontré le mouvement rebelle en février, sous les critiques du parti présidentiel mais après avoir échangé avec le chef de l’Etat.
De son côté, l’Alliance fleuve Congo, dont le principal membre est le M23, a déclaré le 13 mars dans un communiqué avoir «accueilli favorablement» l’annonce du gouvernement angolais, mais insiste sur «l’absolue nécessité que Tshisekedi exprime publiquement et sans ambiguïté ses engagements pour des négociations directes avec l’organisation». Une façon pour le groupe rebelle de forcer le chef de l’Etat à reconnaître son revirement. Et de tenter de l’affaiblir vis-à-vis l’opinion publique congolaise, dont une partie peine à comprendre le changement de cap de celui qui incarne l’intransigeance face au gouvernement rwandais de Paul Kagame.
Mais cette relance d’une solution politique de sortie de crise n’est en réalité pas une surprise au regard de l’impasse dans laquelle se trouve Kinshasa pour régler le conflit sur le plan militaire. Car le M23, qui contrôle notamment les villes de Goma et de Bukavu continue sa progression dans l’est du pays. Et pour faire face à cette avancée sur le terrain, le gouvernement congolais ne pourra dorénavant plus compter sur ses alliés de la Communauté de développement d’Afrique australe. L’organisation a annoncé ce jeudi 13 mars qu’elle mettait un terme à sa mission militaire dans l’est de la RDC, privant le gouvernement congolais des soldats sud-africains, malawites et tanzaniens encore mobilisés dans le cadre du conflit.
Le revirement de Kinshasa contribue aussi à fournir des gages à la communauté internationale. Alors que celle-ci commence à accumuler les sanctions contre le régime de Paul Kagame du fait du soutien du Rwanda au M23, elle scrute de près la volonté du gouvernement congolais de renouer le dialogue, perçu comme seule issue possible à la crise.
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