Au Canada, une union sacrée anti-Trump qui en annonce d’autres

Au Canada, une union sacrée anti-Trump qui en annonce d’autres

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Samedi 8 mars, l’ancien Premier ministre libéral Jean Chrétien (entre 1993 et 2003), 91 ans, publiait, en anglais et en français, une lettre virulente dans la presse. «A Donald Trump, d’un vieux bonhomme à un autre : réveillez-vous ! Qu’est-ce qui vous permet de penser que les Canadiens renonceraient un jour au meilleur pays du monde […] pour rejoindre les Etats-Unis ?» écrit celui qui aime être appelé «le p’tit gars de Shawinigan», sa ville natale au Québec.

Et tout le monde dans le pays s’est montré d’accord avec le nonagénaire quand il a affirmé : «Le président Trump a accompli une chose : il a unifié les Canadiens plus que jamais auparavant ! Tous les dirigeants de notre pays se sont unis dans la détermination de défendre les intérêts canadiens.» Une union sacrée à laquelle adhèrent même les indépendantistes du Québec, dont Chrétien était pourtant un ennemi déclaré.

L’agressivité commerciale du président américain et sa prétention d’annexer son voisin ont accompli un autre miracle. Le Parti libéral du Canada (PLC) au pouvoir était donné battu d’avance en janvier, au moment de l’annonce de la démission de Justin Trudeau, dans la perspective des prochaines élections fédérales, dont la date n’est pas encore fixée. Depuis, le PLC est remonté dans les intentions de vote pour se situer au coude à coude avec le Parti conservateur, et la désignation de son candidat Mark Carney, devenu Premier ministre par intérim vendredi 14 mars avant d’arriver à Paris ce lundi 17 mars, pourrait le faire passer en tête. «Nous sommes maîtres chez nous, notre pays est fort, notre gouvernement est uni et fort», a-t-il prévenu dans son premier discours dimanche 9 mars avant de renchérir, vendredi lors d’une réunion du G7 au Québec : «Nous ne serons jamais, au grand jamais, sous aucune forme, une partie des Etats-Unis.» Selon une enquête de l’institut de sondages Leger réalisée début mars, 33 % seulement des Canadiens ont une opinion positive de leur voisin du Sud, alors qu’ils étaient 52 % en juin 2024.

Au Canada, Trump a agi comme un repoussoir, phénomène observé aussi au Mexique. Même si la présidente de gauche Claudia Sheinbaum n’est pas nommément attaquée par le président américain, qui s’en est pris violemment à maintes reprises à Trudeau, la résistance raisonnée et son discours ferme mais mesuré dans la forme plaisent ; elle a encore amélioré ces dernières semaines, avec 85 % d’opinions favorables, une popularité déjà élevée. Cet effet de cohésion pourrait être observé également dans des pays dont les gouvernants ont affiché leur soutien au candidat républicain pendant sa campagne, puis ont bruyamment salué sa victoire. C’est le cas de Giorgia Meloni en Italie, qui rame depuis fin janvier pour préserver un difficile équilibre diplomatico-politique entre les Etats-Unis et l’Union européenne, ou de Javier Milei en Argentine, qui a prétendu que Trump s’était inspiré de ses propres recettes. L’effet boomerang négatif menace aussi des formations ouvertement pro-Trump, même si elles ont dernièrement mis une sourdine à leur enthousiasme. En Allemagne, le soutien accordé par Elon Musk et le vice-président de Trump, J.D. Vance, à l’AfD (extrême droite) pourrait ainsi s’avérer encombrant.

Au Canada, Jean Chrétien a esquissé un axe de défense : une coalition des pays victimes des Etats-Unis. «Chaque fois que Trump ouvre la bouche, il crée de nouveaux alliés pour nous tous. Organisons-nous», s’est emballé l’ancien Premier ministre, appelant à un sommet entre son pays, le Danemark (dont fait partie le Groenland), le Panamá, le Mexique et l’Union européenne : «Pour lutter contre la puissance brute et déraisonnable, nous avons besoin de la force du nombre.»

Une récente rencontre en hockey sur glace a cristallisé l’attachement des Canadiens à leur indépendance. Le tournoi des Quatre Nations mettait aux prises les meilleures équipes du monde : Canada, Etats-Unis, Suède et Finlande (la Russie étant exclue après son invasion de l’Ukraine). Après un premier match émaillé de nombreuses bagarres à Montréal, le 15 février, remporté par les Etats-Unis 3-1, la finale avait lieu à Boston cinq jours plus tard, entre les mêmes équipes, dans un climat électrique.

Le ton a été donné avant le coup d’envoi : la chanteuse canadienne Chantal Kreviazuk, d’origine ukrainienne, a chanté O Canada, l’hymne national, en remplaçant l’expression «in all of us command» («commande en chacun de nous», en parlant de l’amour de la patrie) par «that only us command» : «que nous seuls commandons».

La rencontre s’est achevée par une victoire épique des visiteurs, célébrée par Justin Trudeau sur les réseaux sociaux : «Vous n’aurez pas notre pays, vous n’aurez pas notre sport» puisque la discipline, dans sa forme actuelle, est née à Montréal il y a pile cent cinquante ans, le 3 mars 1875. Nombre d’amateurs se sont alors souvenus d’un autre exploit : la finale des Jeux olympiques de Vancouver, en 2010, où l’Unifolié (surnom qui désigne la feuille d’érable du drapeau) avait triomphé face au même adversaire et avec un scénario identique : victoire 3-2 après prolongation.

Le hockey sur glace professionnel fournit d’ailleurs un nouvel exemple de l’intégration économique (puisque les clubs sont des entreprises) entre Canada et Etats-Unis : le championnat nord-américain (NHL) réunit des équipes des deux pays, comme c’est le cas au basket (NBA), en base-ball (MLB) et en football (MLS). Le monde sportif n’a, pour le moment, pas fait l’objet de menaces de taxes punitives.

Libération

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