Financement libyen de la campagne Sarkozy : l’odyssée de dix ans du commandant Vidal

Financement libyen de la campagne Sarkozy : l’odyssée de dix ans du commandant Vidal

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«De toute ma carrière, c’est la commission rogatoire qui m’a occupé le plus longtemps», soit d’avril 2013 à octobre 2022. Frédéric Vidal, grand flic financier, a dirigé l’enquête menée par l’OCLCIFF (Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales) sur l’éventuel financement libyen de la campagne présidentielle menée par Nicolas Sarkozy en 2007. Il égrène les chiffres : 1 300 procès-verbaux, 60 perquisitions, 500 documents placés sous scellés, 180 auditions de protagonistes de l’affaire… Une enquête au très long cours.

«Au départ, on a été à la remorque de la presse», admet-il. C’est un premier article de Laurent Valdiguié dans le JDD, narrant l’interpellation du sulfureux intermédiaire Ziad Takieddine à Roissy, de retour d’un vol à Tripoli, avec une valise pleine de biftons ; puis les révélations successives de Mediapart, parachevées par un livre de Pierre Péan, la République des mallettes. Mais la police entrera dans la danse, avec des écoutes téléphoniques tous azimuts.

Dans plusieurs d’entre elles, «on découvre qu’ils sont en train de se mettre d’accord entre eux sur ce qu’il faudra dire aux enquêteurs», résume Frédéric Vidal. Avant même l’affaire dite Bismuth – la mise en place d’une ligne téléphonique parallèle entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog en marge de l’affaire Bettencourt – qui a valu une condamnation définitive à un an ferme sous bracelet électronique à l’ex-président, ce dernier avait multiplié les bifurcations : «Il ne prenait plus directement en ligne son cabinet, car informé assez vite de sa mise sur écoute. Un des nombreux stratagèmes mis en place pour y échapper.» Les enquêteurs sont tout de même tombés sur un entretien entre Brice Hortefeux, fidèle second de Nicolas Sarkozy, et le patron de la PJ de l’époque…

Ziad Takieddine, tout à son souci de dévier l’angle de tir, met alors l’OCLCIFF sur la piste d’une société spécialisée dans l’événementiel, ayant organisé les festivités du quarantenaire de la révolution khadafiste. La piste libyenne s’en trouve renforcée, quoique élargie. Puis rejaillit l’affaire Bygmalion, autrement dit le financement illégal de la campagne présidentielle 2012 de Nicolas Sarkozy – dans lequel l’ancien président a été condamné en appel à un an de prison dont six mois ferme, une décision soumise à un avis de la Cour de cassation attendu d’ici la fin du mois. L’un des protagonistes du dossier Bygmalion, Jérôme Lavrilleux, témoigne à l’époque que des militants se plaignaient en 2012 de ne pas avoir reçu des primes en liquide comme en 2007. «Nous sommes alors remontés à l’envers» du temps, résume le commandant Vidal.

Une écoute téléphonique tombe alors sur une conversation parallèle de plus entre Nicolas Sarkozy et un membre de son équipe de campagne, qui lui réclame pour son fils des places à un match de foot, le menaçant à défaut de révéler certains faits. Les enquêteurs convoquent fissa l’impétrant, qui leur décrit une armoire dans un bureau contenant des liasses de billets épaisses de plusieurs centimètres. «Cela commence à faire un certain nombre de billets», euphémise le grand flic.

Les enquêteurs ne dégoteront finalement aucune preuve formelle du financement libyen, juste un impressionnant faisceau d’indices. Mais la boîte de Pandore est ouverte, comme après cette perquisition chez Wahib Nacer – banquier et homme à tout faire de deux oligarques saoudiens, les cousins Bugshan – qui permet d’alimenter pénalement tout une série de sous-affaires dans l’affaire : la revente plus que douteuse (pour 500 000 euros) de deux croûtes flamandes ayant appartenu à Claude Guéant, les commissions baladeuses versées par EADS pour fourguer des Airbus, la reprise surpayée par un fond souverain libyen d’une villa dans le sud de la France. Avec l’intermédiaire Alexandre Djouhri comme point commun de ces dossiers.

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«La mise en examen de Claude Guéant a provoqué un vent de panique chez Nacer et Djouhri, qui ne remettront plus un pied sur le territoire national, de peur de se faire interpeller.» Du moins durant le temps de l’enquête, l’un comme l’autre comparaissant bel et bien à la barre, plus ou moins sages comme des images. Sur relance du tribunal, Frédéric Vidal dresse un bilan mitigé de l’entraide internationale en matière judiciaire. En Suisse, qui pourtant coopère de plus en plus dans les affaires financières et n’est plus le bunker qu’elle fut autrefois, il estime que «perquisitionner une banque reste compliqué».

Le cas de Wahib Nacer l’illustre : ce n’est qu’à partir de sa démission du Crédit agricole à Genève que l’enquête aurait progressé. En Libye, la fin du régime kadhafiste ne rendit pas l’expérience plus concluante : il s’agissait d’auditionner l’ancien Premier ministre Baghdadi Mahmoudi : le policier français n’aura le droit que de lire, sans pouvoir prendre de note ou faire de copie, la transcription d’un interrogatoire effectué par les nouvelles autorités libyennes. Bref, «elles nous ont baladés pendant deux jours».

Libération

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