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Condamné en juin 2023 à cinq ans de prison ferme pour «financement étranger de son entreprise», le journaliste et patron de presse a bénéficié d’une grâce présidentielle, tout comme une dizaine de détenus en lien avec le mouvement pro démocratie du Hirak.
Dans la nuit de jeudi 31 octobre à vendredi 1er novembre, devant les portes de la prison d’El-Harrach, deux silhouettes guettent l’ouverture. Djamila, la femme d’Ihsane El Kadi, et sa fille attendent depuis des heures, le regard rivé sur la grille, l’espoir fragile. Depuis la veille, elles savent par le collectif de défense qu’une libération pourrait se produire, à la faveur d’une grâce présidentielle, en l’honneur du 70e anniversaire du début de la guerre d’indépendance (1954-1962). Pourtant, minute après minute, le doute s’installe.
Et puis, soudain, une porte s’ouvre : Ihsane apparaît, chemise blanche, pantalon sombre, visage amaigri mais sourire intact. Les deux femmes se précipitent vers lui. L’étreinte est brève mais intense. Ils prennent la route dans une voiture blanche, direction la maison familiale, rejoints vers 3 heures du matin par des proches et des amis, dont le réalisateur Bachir Derrais. Cette nuit-là, installé dans son salon simple mais chaleureux, Ihsane s’accorde un moment de répit après une bataille judiciaire et de longs mois de détention.
«Plaidoyer d’intellectuels, d’artistes et de militants des droits de l’homme»
Il aura fallu deux ans de patience pour que cette figure du dernier bastion d’une presse indépendante en Algérie retrouve les siens. Le patron de presse avait été condamné à cinq ans d’incarcération pour avoir prétendument reçu des financements étrangers visant «à déstabiliser l’Etat». Sa défense, elle, avait souligné que ces fonds provenaient de sa fille, actionnaire elle aussi, pour payer les salariés. Interface Médias, la société qu’il dirigeait, celle-là même qui avait donné vie à Radio M et Maghreb Emergent, a été dissoute par la justice, ses biens confisqués.
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Cette libération constitue-t-elle une page qui se tourne ? La famille El Kadi l’espère. «Les diverses actions de plaidoyer d’intellectuels, d’artistes et de militants des droits de l’homme en Algérie et à l’étranger pour obtenir la grâce présidentielle ont apparemment porté leurs fruits», confie à Libération un membre de la défense du journaliste. C’est «la fin d’un cauchemar», s’est réjouie pour sa part l’avocate Nabila Smail.
«Libres mais pour combien de temps ?»
D’autant que les libérations se sont multipliées cette nuit-là. Avec Ihsane, deux autres journalistes – Omar Ferhat, directeur du site Algéria Scoop et Sofiane Ghirous, le rédacteur en chef – et neuf autres détenus d’opinion, militants du Hirak, le mouvement antisystème né en 2019 et réprimé depuis, ont aussi retrouvé la lumière du jour, dont son jeune poète, Mohamed Tadjadit.
Nombre des poursuites qui avaient entraîné les condamnations de ces intellectuels ont été facilitées par des dispositions contenues dans le code pénal révisé en juin 2021. Comme l’article 87 bis, qui permet de mettre en cause pour «terrorisme ou sabotage» quiconque a appelé «à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels».
«Ils sont enfin libres, souffle-t-on à Alger, mais pour combien de temps ?» L’espoir est fragile, tenu en laisse par une machine politique prête à se refermer à tout moment. «Plus de 200 détenus d’opinions restent dans les geôles algériennes», rappelle ainsi le militant des droits de l’homme Said Salhi.
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