Inondations en Espagne : dans le village touristique de Letur, «l’eau c’était notre trésor, elle nous a brisés»

Au moins 205 personnes sont mortes après les pluies diluviennes dans le sud du pays. Les habitants de Letur, zone la plus dévastée, ont le sentiment d’avoir été abandonnés par les autorités alors que cinq d’entre eux sont portés disparus et un décédé sur le coup.

Comme on accourt au chevet d’un grand malade, ils sont des dizaines à s’être regroupés au-dessus du vieux pont – un des rares endroits dans le centre du village ayant résisté à la fureur des flots au cours de la funeste journée de mardi – pour contempler le désastre. Dans la rue qui auparavant ouvrait sur une coquette place bordée de noisetiers, les arbres ont été arrachés, l’asphalte a été retourné, certaines maisons ne sont plus que des ruines et le bar «La Parra» plus qu’un souvenir. Il y a là des gardes civils, des agents de la protection civile, des membres de la Croix-Rouge et des militaires de l’unité d’intervention d’urgence avec leurs chars.

Mais aussi des parents, des cousins, des amis qui sont venus de toute la région pour prêter main-forte aux infortunés de Letur, joyau touristique d’un petit millier d’habitants de la sierra de Segura qui vit de ses visiteurs et d’une agriculture traditionnelle. Dolores, la soixantaine, fixe les lieux d’un regard désespéré. Depuis le muret de pierre où elle se trouve, elle raconte le paysage de carte postale d’avant le déluge : «La croix blanche, la place de Toros, une ancienne colonne de pierre, tout cela a été emporté. Et puis, Antonia…» Sa voix se brise, les larmes coulent. Antonia était son amie, la tante d’une intime. Son regard fixe la maison qui jouxtait le lit de la rivière. «L’eau est arrivée avec tant de force qu’elle est entrée par sa fenêtre et l’a emportée dans ses flots. C’était le jour de son anniversaire.