A Nice, des chercheurs français fabriquent de la poussière d’étoiles en laboratoire : un pas vers l’origine de la vie

A Nice, des chercheurs français fabriquent de la poussière d’étoiles en laboratoire : un pas vers l’origine de la vie

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Graine de stars

Des chercheurs ont réussi à produire 300 à 400 grammes de poussière d’étoile. Une première mondiale, qui permet d’améliorer notre compréhension du système solaire.

La poussière d’étoiles, en suspension dans l’espace, flotte dans le milieu interstellaire. Une poudre à l’évocation féerique et à la conquête quasi impossible. La sonde de la Nasa – la bien nommée Stardust – avait cravaché pendant sept ans pour capturer quelques microscopiques particules ramenées des confins du système solaire en 2006. Les chercheurs de l’Université Côte d’Azur et de l’ENS de Lyon n’ont pas voyagé si loin et si longtemps. Ils sont parvenus à produire 300 à 400 grammes de poussière d’étoiles en laboratoire. Une première mondiale. «On peut rêver, s’autorise le cosmochimiste Guy Libourel, professeur à l’Université Côte d’Azur et chercheur au laboratoire Lagrange de Nice, à la coordination de ces travaux publiés le 23 octobre dans la revue Nature Astronomy. Dans nos recherches, on essaie de remonter le temps et de raconter l’histoire cosmique.» Car cette création de poussières d’étoiles ouvre des voies de compréhension de l’univers, jusqu’à l’origine de la vie. Rallumons l’étoile en laboratoire.

Dans l’espace, loin au-dessus de nos têtes, les étoiles sont à l’origine de cette poussière. A la fin de leur vie, elles éjectent du gaz. Celui-ci se condense à mesure qu’il s’éloigne de l’étoile et se refroidit. Se forme alors une matière solide appelée poussière. Sur Terre, il n’est pas possible de créer une étoile riche en carbone sur une paillasse puis d’attendre sa mort. Alors, les chercheurs utilisent une torche à plasma. Cet appareil – du laboratoire des Mines Paris-PSL à Sophia-Antipolis sous la houlette de Laurent Fulcheri et Vandad Rohani – ressemble à une mini-fusée. Des pieds pour le maintien, un long fuseau pour le réacteur et un capuchon pour les électrodes. La torche permet d’obtenir de très hautes températures, entre 5 000 et 10 000 °C.

«Je peux presque les toucher du doigt»

«A chaque fois que j’allume la machine, j’ai l’impression d’allumer une étoile», confie un jour l’un des chercheurs à Guy Libourel. Il n’en fallait pas plus pour faire naître une petite flamme dans la tête du scientifique. Il achète 5 kilos de météorite, «tombée du ciel» au Sahara. Broyée en petits morceaux de 20 microns, la poudre est injectée dans la zone chaude de la torche à plasma, pour la première et unique fois en 2018. «La manip consiste à reproduire l’environnement gazeux d’une étoile, détaille Guy Libourel, de retour devant la machine mercredi 30 octobre. Quand les particules sont injectées dans la torche, elles se vaporisent sous forme de gaz. En se refroidissant, le gaz se condense. On récupère ensuite différents types de poussière.» La poussière d’étoiles est née.

La communauté scientifique savait modéliser le principe de formation de la poussière sur ordinateur. Mais jamais cette matière n’avait été créée en laboratoire. «Ça fait vingt ans que j’étudie les étoiles, que j’observe avec les télescopes et, là, je peux presque les toucher du doigt», se réjouit Eric Lagadec, astrophysicien à l’Observatoire de la Côte d’Azur, qui a pris part au projet. Ce jour de mars 2018, l’expérience dure une heure. Guy Libourel regarde par les hublots la production de poussière d’étoiles dans le plasma. «C’est une success story, débriefe-t-il. Quand on fait une expérience, c’est rare qu’elle fonctionne du premier coup.» Un support en graphite est utilisé comme piste d’atterrissage des grains. Cette poussière d’étoiles est aujourd’hui conservée à l’Observatoire de la Côte d’Azur. Les plus gros grains mesurent 20 millièmes de millimètres.

«Remonter le temps»

La formation de cette poussière d’étoiles est fondamentale à celle de la vie. Quand ils flottent dans l’espace interstellaire, ses grains sont le support de réactions de chimie organique. La vie après la mort. Leur production en laboratoire permet de mieux comprendre comment s’est formé le système solaire et comment meurent les étoiles – ce qui arrivera au soleil dans 5 milliards d’années. «Ces étoiles forment la plupart du carbone de l’univers, qui est la base de la vie, pointe Eric Lagadec. Avec ces travaux, on contribue à la création du savoir commun de l’humanité.»

Guy Libourel veut continuer à «faire parler les météorites». Pour «aller plus loin», il imagine une torche à plasma «dédiée à la recherche, pour l’astrophysique et la physique des matériaux extraterrestres ou innovants». Celle utilisée en 2018 sert désormais de pilote industriel pour une entreprise américaine. Avec ce futur instrument «qui n’existe pas dans le monde», il envisage de tester l’effet de la pression, de la vitesse du gaz, de l’impact de la lumière sur la formation de la poussière. «Avec ce type d’appareils, on peut créer des milieux qui ressemblent à l’environnement turbulent autour des étoiles, développe Guy Libourel. On reproduit des conditions physiques auxquelles on n’aura jamais accès. C’est comme si ces expériences nous permettaient de remonter le temps et de parcourir des distances qui se comptent en années-lumière.» La production de poussière d’étoiles repousse les horizons.

Libération

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