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Un post sur le réseau X, massivement partagé, prétend apporter la démonstration que des comédiens ont rejoué plusieurs fois une même scène devant les caméras.
C’est un compte X dont le nom («Gazawood – the Pallywood saga») et le profil annoncent sans ambiguïté la mission : dénoncer la production d’images victimaires et supposément factices venant de Gaza (le terme «Pallywood» résultant de la contraction de «Palestine» et «Hollywood»).
Dernier cas de «mise en scène» décelé par cet internaute : celui de deux adultes portant un jeune garçon visiblement blessé. Ce compte estime que la séquence a été «tournée» à deux endroits différents, avec les mêmes personnes et le même caméraman. Preuve, donc, d’une supercherie.
Sous le libellé «Même enfant, même caméra, même acteurs, même scène. Lieu différent», le post, vu plus d’un million et demi de fois, met ainsi en parallèle deux vidéos au ralenti, où l’on aperçoit effectivement deux adultes porter un enfant, mais avec un fond urbain différent entre les deux vidéos. En France, le contenu a été notamment partagé par Raphaël Enthoven, auprès de ses presque 280 000 followers.
Bien que ce post date du 14 octobre, ces deux séquences sont en réalité tirées d’une vidéo publiée le 8 mai sur Instagram, par le compte Allaa_Salamah. Sous le titre «25 blessés sont arrivés à l’hôpital spécialisé du Koweït ; L’artillerie de l’occupation a tiré des obus sur plusieurs maisons de citoyens dans le centre de Rafah [sud de la bande de Gaza, ndlr]», elle agrège plusieurs séquences de personnes blessées, le plus souvent des enfants portées par des adultes. CheckNews a pu géolocaliser précisément l’emplacement de cette vidéo, dans le centre-ville de Rafah, à environ 150 mètres de l’hôpital koweïtien.
Si le fond urbain est effectivement différent pour les deux scènes où l’on voit les deux mêmes hommes porter un même petit garçon au tee-shirt rouge, cela ne démontre aucune manipulation : les plans ont été filmés l’un à la suite de l’autre, dans la même rue, et quasiment au même moment. L’ambiguïté de ces images – toutes créditées de la même personne, le propriétaire du compte – tient au fait que les différentes séquences dans la vidéo d’origine n’ont pas été montées dans le bon ordre chronologique.
La première séquence est en réalité celle où les deux hommes portant le petit garçon passent devant un mur au fond ocre, avec une inscription en arabe (photo 1 ci-dessous). Dans ce même plan séquence, on voit ensuite le caméraman se retourner pour filmer un adulte soutenant une petite fille au tee-shirt rose et au pantalon noir (photo 2). Toujours dans le même plan séquence, le caméraman se retourne à nouveau pour continuer de filmer l’adulte et la petite fille (photo 3).
C’est là que l’on aperçoit alors, tout à gauche de la prise de vue (encadré rouge de la photo 3), les deux adultes et le petit garçon du début, qui paraissent s’être arrêtés momentanément. L’adulte avec la petite fille semble ainsi, à ce moment-là, leur passer devant. Ce qui explique que le même caméraman pourra filmer une seconde fois, un peu plus loin, les deux hommes et le petit garçon au tee-shirt rouge.
La vidéo connaît ensuite une légère coupe, tandis que le caméraman continue de suivre l’homme et la petite fille, qui passent devant un bâtiment bicolore, avec une partie basse grise et une partie haute blanche (photo 4). La séquence suivante est celle des deux adultes avec le jeune garçon, qui passent donc eux aussi devant le même bâtiment (photo 5). Et que le caméraman semble avoir attendu à cet endroit.
On les voit ensuite, dans le même plan séquence (photo 6), se diriger dans la même direction que l’adulte avec la petite fille vers l’immeuble avec une excroissance derrière sur un toit (rectangle vert).
Ces deux groupes d’adultes portant chacun un enfant passent donc dans la même rue, devant le même bâtiment, et vont dans la même direction.
Une autre vidéo, publiée sur le même compte Instagram, mais créditée d’un second caméraman, montre ensuite leur arrivée respective au bout de cette rue, avant de tourner sur leur droite pour rejoindre l’hôpital.
Dans le même plan séquence, on voit d’abord l’adulte avec la petite fille, qui sont donc bien passés devant les deux hommes avec le garçon, puis ces derniers dans un second temps.
Dès lors, rien ne permet d’en déduire, sur la base de ces éléments, et comme le fait le compte «Gazawood – the Pallywood saga», que ces images prouvent une quelconque mise en scène.
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